J’ai interviewé, en janvier 2008, le journaliste, animateur de télé et de radio, Sylvain Augier, pour le mensuel Sports équestres (Sylvain est un casse-cou, mais aussi un excellent cavalier) : l’interview est parue dans l’avant-dernier numéro (numéro 24 de mars 2008), le magazine a disparu juste après …
Sylvain Augier : renoncer à prendre des risques ? ‘faut pas rêver !
Derrière le gentil animateur de télévision se cache un casse-cou intrépide que rien n’effraye : Sylvain Augier se shoote à l’adrénaline et à l’amitié, les deux constances de sa vie, avec le cheval, la moto, la télé et l’hélico …
Carol, son épouse, résume bien la situation : j’ai trois enfants à la maison, mais l’aîné est le plus difficile à gérer. On imagine en effet que vivre avec Sylvain Augier ne doit pas être simple tous les jours : deltaplane, plongée, chute libre, voltige aérienne, planeur, parapente, hélico, moto, il a tout essayé ! Voler en apesanteur en Airbus A300 ou avec la patrouille de France, s’installer à bord d’un Mirage, sauter en parachute sur le Mont-Blanc ou sur la tour Eiffel, piloter le Concorde … rien ne l’arrête !
De quoi, pour sa petite famille, se faire quelques soucis.
Il rigole en racontant l’accident de parapente qui, en 1988, lui a valu deux ans d’hôpital et 17 opérations. On retrouve le journaliste de France Inter qui s’éclatait en direct : il détaille sa chute avec précision. Il la mime. Il la commente. Il l’analyse. Il la passe au ralenti. Le suspens est à son comble quand il explique le pourquoi du comment : la chute ! la chute ! Ses auditeurs, adossés aux palissades du centre équestre de Vergèze, le regardent tomber bouche bée, en torche, de mille mètres en dix secondes. Il s’écrase sur un plateau pentu d’un mètre carré, le pied en vrac, l’os sorti du bras, en équilibre précaire, arc-bouté pour ne pas dévaler : son auditoire s’inquiète, on craint pour sa vie, il est fichu ! mais non, rassurez-vous, l’hélicoptère, comme la cavalerie, arrive toujours au bon moment !
Il est sauvé : la reprise peut commencer.
En rééducation, il se fait trois promesses : remarcher normalement, revenir à la télé et, lui qui pilote déjà des avions, passer son brevet hélico.
Les cavaliers s’éloignent tandis que Sylvain sympathise avec le chirurgien : c’est une bonne idée, vu que, dix ans plus tard, c’est en moto qu’il tutoie le bitume corse. Bilan : un genou en miettes. Encore une fois, c’est un hélico qui l’emmène à l’hôpital. On finit par se demander s’il ne passe pas plus de temps, en hélicoptère, allongé sur une civière, qu’installé aux commandes !
En fait, non : on se souvient que Michel Drucker, pour Studio Gabriel, puis pour Drucker & Co, lui demande de filmer la France vue d’un hélico.
Sylvain est ravi : pendant quatre ans, on m’a payé pour réaliser une passion qui m’aurait coûté une fortune ! Viendront ensuite les 120 Carte au Trésor (de 1996 à 2005), qui achèvent d’asseoir sa réputation d’animateur volant. Il parcourt la France pour en découvrir les merveilles, ce qui lui donne l’idée de réaliser un DVD sur la France vue du ciel, puis un second, sur l’Europe vue du ciel, qui se vendent à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires.
Et le cheval dans tout ça ?
Sylvain se retourne vers la carrière : aujourd’hui, place à la relève ! Il n’est pas peu fier de ses deux enfants, excellents cavaliers, Manon monte en CSO, comme son petit frère Hadrien qui est, en plus, champion régional poussin de horse-ball.
Il vient souvent les voir s’entraîner au centre équestre de Vergèze, pas très loin de chez lui, où travaille Carol, son épouse : du coup, je me fais réquisitionner pour animer la fête du club, et tous les tournois régionaux !
La photo familiale semble sortie d’un album de Lucky Luke. On dirait les Dalton, avec Sylvain dans le rôle d’Averell, ce qui l’amuse beaucoup : quand est-ce qu’on mange ?
Lucky Luke – avec John Wayne – est justement à l’origine de sa vocation de cow-boy : mes parents ont eu l’opportunité de m’envoyer aux USA, quand j’avais quatorze, quinze ans, j’ai appris à monter, à l’arrache, dans le désert de l’Arizona, c’était comme au cinéma, j’ai beaucoup aimé, je me suis inscrit dans un club en rentrant chez moi.
Sylvain habite alors Forgues, pas très loin de Toulouse, le club est à quelques kilomètres, dans le Gers.
Il passe sans roumaiguer le deuxième degré, comme on dit à l’époque : c’est l’équivalent du Galop 7, de l’éperon d’argent …
Il lit Mermoz, Guillaumet, Saint Exupéry et Buck Danny, il rêve d’Aéropostale : à la maison, on n’avait pas la télé, d’ailleurs, chez moi, je ne l’ai toujours pas, du coup, j’ai beaucoup lu, j’ai beaucoup rêvé, je dois sûrement aussi un peu ma vie à mon tonton papillonneur …
Ah, la famille ! le tonton en question publie, en 1927, le premier roman d’Agatha Christie, avec, comme logo imprimé sur la couverture, un masque transpercé d’une plume : la célèbre collection du Masque est née ! Comme lui, que je n’ai pas connu, philosophe Sylvain, je suis un homme de passion, de coups à monter, de défis : il m’a transmis le virus ! ma vie est une succession de rencontres, de risques, de plaisirs et de chutes !
L’équitation, c’est aussi un peu une histoire de famille : mon père était officier de cavalerie à Saumur, il a fait son service comme lieutenant puis, deux étés de suite, on s’est installé du côté d’Ambroise pour qu’il fasse ses stages d’officier de réserve, j’allais tous les jours le regarder monter.
Sylvain Augier passe une licence en droit, fait Sciences-Po à l’IEP de Toulouse, prépare – et réussit – le concours d’entrée à l’ENA, mais abandonne les études et entre, à 24 ans, à la rédaction de France Inter, qu’il quittera dix-sept ans plus tard, après avoir présenté Oreillettes et ventricules, Interbulles, Rendez-vous, vous êtes cernés, et On ne vit que deux fois, dont le titre colle particulièrement bien à la peau de ce casse-cou téméraire !
Au Sud de l’Amérique
Entre Sciences-Po et la Maison de la Radio, Sylvain Augier fait son service civil en coopération au Nicaragua, comme attaché culturel à l’Ambassade de France.
Il choisit bien le moment, comme d’habitude : un tremblement de terre a dévasté le pays qui est déchiré par une guerre civile.
Il profite de ses loisirs pour apprendre la guitare et l’espagnol.
Les Américains quittent Managua à toute vitesse : Sylvain et les autres appelés de l’Ambassade récupèrent, pour une bouchée de pain, une fabuleuse Chevrolet, une jeep, ils louent une magnifique villa et achètent des chevaux locaux, dociles et résistants, avec lesquels ils sillonnent la région.
Le Nicaragua n’est pas au bout de ses peines : il doit faire face à une terrible éruption volcanique.
Sylvain Augier est missionné par l’Ambassadeur pour accueillir Haroun Tazieff à l’aéroport.
Il n’y a pas d’hôtel : Haroun Tazieff s’installe à la maison et Sylvain le suit partout pendant un mois et demi. C’est décidé : il sera journaliste !
Dès son retour en France, il entre à France Inter.
La télé finit par le repérer : en 1986, il présente Coquin Maillard, sur Antenne 2, puis Guy Lux lui propose de reprendre, sur TF1 récemment privatisée, La Une est à vous, jadis présentée par Bernard Golay.
Il est aussi chroniqueur sur Canal et anime les dimanche après-midi de FR 3. Pour nourrir son insatiable bougeotte et sa dévorante envie d’action, il essaye des automobiles pour différents magazines (ne tentez pas de le suivre en voiture, il n’a pas perdu la main), et crée la rubrique Vitesse pour le mensuel Ça m’intéresse.
Le cheval le ramène en Amérique, exactement au bout du Monde : pour France Inter, il passe six mois en Patagonie sur l’expédition du voilier Gauloises III, barré par Philippe Facque, avec, à bord, Jean-Marc Boivin, alpiniste et skieur de l’extrême (il en profite pour réaliser un Carnet de l’aventure pour Antenne 2). Le bateau est en retard et Sylvain monte tous les jours en l’attendant.
Il longe le canal de Beagle entre Puerto Williams, au Chili, et Ushuaia, en Argentine.
Jean-Marc Boivin trouve l’idée excellente : sitôt accosté, il loue à son tour un cheval, et ils repartent tous les deux, au galop.
Sylvain en a gardé des photos prises par Jean-Louis Étienne, médecin du bord : les chevaux qui contournent les glaciers avec le voilier qui étincelle en toile de fond, ont en effet de quoi faire rêver …
Poser son regard et découvrir
Sylvain Augier vient de créer une Fondation pour la sauvegarde de la beauté des paysages, qui publie un magazine, Regards & découvertes : je ne suis pas un combattant, mais je veux protéger les bords de mer, la loi « littoral » qui est grignotée la nuit, on ne peut pas lutter contre le progrès, mais on peut apprendre aux petits le respect de la beauté des paysages, pour qu’ils n’aient pas, plus tard, envie de les abîmer, parce que la beauté, c’est une valeur en soi, la beauté de la vie et la beauté des paysages …
Lui qui, pendant dix ans, nous a répété chaque vendredi qu’il ne faut pas rêver, pense exactement le contraire. Il n’a jamais oublié la maxime découverte quand il avait treize ans, elle lui sert de ligne de conduite : rêve ta vie, ta vie deviendra un rêve. Un rêve éveillé rempli de cheval, de moto, d’hélico, d’un champion régional de horse-ball et d’une championne de CSO …
© Pierre-Brice Lebrun (mars 2008)
Merci à Carole Boudjaoui, du Centre équestre de Vergèze (Gard), à sa cavalerie, à ses adhérents et à toute la famille Augier