Mes articles dans 30 millions d’Amis
En 2004-2005, j’ai publié quelques articles, pas beaucoup, dans le magazine 30 Millions d’Amis …
LES RENNES DU PÈRE NOËL : REPORTAGE TOP-SECRET
Il m’a donné rendez-vous à Ruka, devant le Zone Café.
Je suis en mission dans le Nord de la Finlande, à huit cents kilomètres d’Helsinki, pas très loin de Kuusamo.
Venez seul, il m’a dit. Et emmenez des champignons.
Des champignons ? Oui, des champignons : c’est leur friandise préférée.
Je suis venu seul, je me suis garé en contrebas du Zone Café, à côte de l’autobus Finnair qui fait la navette avec l’aéroport.
J’ai emmené des champignons.
Il est vingt-deux heures trente, pourtant, le ciel est bleu et le soleil brille : ici, en juillet, la nuit ne dure que quelques heures, par contre, en hiver, il fait noir à partir de treize heures.
Il arrive, méfiant, prudent.
Il vérifie que je suis seul.
Il m’enfonce sur les yeux un bonnet rouge à pompon blanc.
Il me confisque mon portable : vous croyez qu’on entre comme ça chez celui qui élève les rennes du Père Noël ?
Il me pousse vers sa voiture.
Assis à l’arrière du 4/4, je ne vois rien, je me concentre pour deviner la route.
Il prend d’abord à droite vers Kemijärvi, puis, vingt minutes plus tard, ces chemins cabossés, ces montagnes russes ? c’est le Parc National d’Oulanka !
J’y ai fait du canoë.
On peut marcher des heures sur des sentiers balisés, à condition de faire attention aux ours, et de respecter la nature.
Certaines randonnées se font en quatre ou cinq jours.
Les paysages sont grandioses.
Il m’y balade un bon moment, pour brouiller les pistes.
Au bout d’une heure de route, enfin, nous arrivons.
Je descends de la voiture, il me retire mon bonnet et disparaît.
Je serre la main du lapon qui m’accueille : je m’appelle Matti Takkula, il me dit, souriant, mais c’est un secret.
Je suis l’ami du Père Noël.
J’élève et je soigne ses rennes, ils viennent chez moi en vacances, l’été, se refaire une santé : soyez le bienvenu !
Il ramasse une longue branche de bouleau : éloignons-nous de la clairière, on pourrait nous voir de la route !
Les rennes s’approchent de l’appétissant feuillage.
Ils suivent Matti qui s’enfonce dans le chemin creusé entre les arbres.
Je les suis à mon tour.
Nous sommes dans une immense forêt, avec surtout des pins et des épicéas, au bord d’un lac qui semble énorme : la Finlande en possède 188.000, me dit Matti, tout son territoire est recouvert de forêts, de lacs et de rivières.
Dans les environs, dans ce que, chez vous, vous appelez “un département”, qui est ici grand comme la Belgique, il y a 18.000 habitants, et 18.000 rennes !
J’ose la question interdite : le Père Noël habite ici ?
Matti s’emporte : mais non ! Le Père Noël habite Rovaniemi, tout le monde le sait, ceux qui racontent autre chose disent des bêtises !
Vous le voyez au Pôle Nord, assis sur la banquise ? ou dans les nuages ?
Il aime trop la confiture de framboises pour s’en aller si loin.
Il voit que je suis désappointé : disons qu’il vient de temps en temps manger discrètement un morceau sous ma tente.
Il adore mes grillades et ma tarte aux myrtilles.
Des myrtilles sauvages !
Je les cueille moi-même.
Il gare son traîneau, là, vous voyez ? Juste ici.
Les lapons ont toujours été les amis du Père Noël, mais c’est tout de même un grand privilège pour ma famille ! Vous imaginez ? Je suis la cinquième génération !
Un jour, mon fils prendra la suite …
Non, vraiment, je vous assure, il n’habite pas ici.
Je suis déçu : je suis passé pas loin du scoop, du Pulitzer.
Matti continue : Ses rennes viennent en vacances chez moi, parce que le climat est plus clément, moins humide, je suis tour à tour hôpital, maternité, maison de retraite et centre de thalasso ! Vous savez, ils ne sont pas bêcheurs, ils se mélangent aux autres, incognito, là est l’astuce ! Tout renne croisé dans le coin est potentiellement un des rennes du Père Noël. Mais dans la forêt, tout se sait, alors, pour eux, total respect !
Ils sont la crème du troupeau, on les admire, on les cite en exemple !
Il faut dire que n’est pas renne du Père Noël qui veut !
La sélection est rigoureuse : il faut de bons résultats scolaires et des aptitudes physiques, il faut aussi être sage et très poli.
Ici, ils se refont une santé, ils déambulent aux alentours en broutant : l’alimentation de base du renne se compose de 350 plantes différentes, qu’on ne trouve que dans nos forêts finlandaises.
Je regarde les quelques rennes, curieux, qui, étonnés par ma présence, nous entourent.
Je leur tends mes champignons qu’ils avalent goulûment.
Ceux qui restent ici, avec moi, m’explique Matti, sont un peu malades : celui-ci, par exemple, se remet d’un rhume, celle-ci est en convalescence après une vilaine chute dans les escaliers …
Lui, il avait une conjonctivite. Montre-moi tes yeux.
Ah, mais, ça va mieux. Tu vois, je te l’avais dit !
Le renne opine du chef, satisfait.
Attention ! ne citez pas leurs noms ! Ils doivent rester anonymes.
Vous voyez, je leur donne à manger, je leur parle, je les écoute : ils en ont des choses à raconter ! Je reste avec eux, je m’assure qu’ils vont bien, qui ne leur manque rien. Ici, c’est calme, apaisant.
Vous voyez ce lac ?
En fait, ce n’est pas un lac, pas vraiment, c’est le réservoir de plusieurs dizaines de sources. L’eau est d’une pureté remarquable.
Je lui demande de me parler des lapons : c’est un peuple fier, jadis nomade, un peuple de chasseurs qui sillonnaient le nord de la Scandinavie.
Les rennes tiraient les traîneaux. Les lapons utilisent pour s’habiller la peau des rennes, ils mangent leur viande, boivent leur lait, se servent de leur graisse pour imperméabiliser leurs tentes. Ils ont toujours eu pour eux une vraie adoration : ils sont persuadés, par exemple, qu’ils se réincarneront en renne après leur mort s’ils ont été braves.
Moi, je serais renne, j’en suis sûr, et même, renne du Père Noël.
Maintenant, les lapons se sont sédentarisés, ils font de l’élevage, pour la plupart, ils travaillent dans le tourisme. Ils aident le Père Noël.
Bon, excusez-moi, je dois vous laisser, j’ai du travail.
Timo va vous reconduire à votre voiture. Mettez votre bonnet.
Je suis désolé de toutes ces précautions, mais il est normal, je crois, que les rennes du Père Noël bénéficient d’une protection royale. J’en conviens et je m’éclipse, je retrouve la clairière et le lutin Timo, son 4X4 et le bonnet rouge à pompon blanc qu’il m’enfonce sur les yeux. J’ai conscience d’avoir fait une rencontre rare, exceptionnelle.
Je ne vivrai plus Noël de la même façon, je garderai les yeux au ciel pour les voir passer, pour les saluer.
Et je sais enfin où habite pour de vrai le Père Noël : en Finlande !
Petit carnet pratique
Finnair relie 4 fois par jour Helsinki à Bruxelles (02/753.5060) et à Paris (0800.366.177), deux fois par jour à Zürich (844/346.666) et plusieurs fois par jour à Genève (022/906.1015), il y a plusieurs correspondances directes pour Kuusamo et Rovaniemi (la maison du Père Noël)
le Ruka Palvelu organise sur place toutes les activités sportives et de randonnées, y compris la visite d’une ferme de rennes et la nuit sous tente chez les lapons
il faut lire, absolument, avant de partir, les romans d’Arto Paasilinna, surtout le lièvre de Vatanen, et la forêt des renards pendus … et les autres !
© Pierre-Brice Lebrun (avril 2005)
PIERRE CHALLANDES & SON ARCHE IMPROVISÉ …
Je n’en crois pas mes yeux et mes oreilles. C’était donc vrai : la fille de Daktari a eu un fils avec Tarzan ? Incroyable ! Il vit à Genève et s’appelle Pierre, Pierre Challandes. Il parle aux milans, plaisante avec les hiboux, déjeune avec des magots. Les fauves rigolent de ses plaisanteries, qu’ils sont d’ailleurs souvent les seuls à comprendre.
Il a dû, à l’atterrissage, tomber d’un avion, alors il est resté là, dans la campagne Genevoise, à deux pas du Lac et de l’aéroport. Il a sympathisé avec les chevreuils, élevé un écureuil blessé, nourri au biberon un hérisson orphelin, puis d’autres sont venus se faire soigner, se réfugier, se reposer, boire le café, se remettre des mauvais traitements infligés par des propriétaires irresponsables, alors Pierre a ouvert un Parc d’accueil animalier, le Parc Pierre Challandes, dans une propriété que l’État fédéral de Genève lui loue maintenant pour une bouchée de pain, parce qu’à cause du trafic aérien, plus personne ne veut l’habiter. De 1974 à 1991, avant que l’association ne soit créée, il s’est débrouillé seul, Pierre, il a tout payé de sa poche : il dirigeait une galerie d’art. Maintenant, il est épaulé par une équipe de bénévoles dévoués, qui l’aide à entretenir le Parc, à nettoyer les abris des animaux, à les nourrir : chacun vient selon ses disponibilités donner un coup de main, seul ou en famille, avec son chien, son chat ou son perroquet, tous les jours ou quelques heures par semaine.
Pierre, le matin, suivi par Zézette le chien, un bâtard trouvé sur le bord de la route, va dire bonjour aux uns et aux autres. Il salue Monsieur le Grand-Duc, qui veille jalousement sur les petits de ses deux Duchesses, serre la patte aux lémuriens, nos descendants en ligne directe, fait un câlin aux chiens de prairie, sorte de minuscule marmotte américaine, connue pour surveiller son territoire et donner l’alerte au moindre danger, d’où son nom. Il joue à » essaye de m’attraper » avec un écureuil agile, discute, dans la volière, avec Balthazar le mainate et Gudule le cacatoès, qui lui répondent. Impassible et hautain, les oreilles dressées, le lynx ne fait que le tolérer dans son domaine, et Pierre n’entre pas sans précautions chez les pumas : il paraît qu’ils ont tourné dans le film l’Ours, mais Pierre n’en a jamais eu la preuve. Ils sont très sympathiques, mais ils restent des bêtes sauvages, dont il faut se garder.
La star du Parc, c’est Manoir, un Monsieur panthère noire de six ans : c’est lui que vous voyez à la télé, dans une pub pour une marque de peinture. Le tournage achevé, son dresseur s’en est débarrassé en le vendant à un apprenti dompteur qui voulait ouvrir un zoo près de Dunkerque. Il a enfermé, en attendant de trouver des sous, les animaux dans des roulottes minuscules. La Fondation Brigitte Bardot a demandé à Pierre de récupérer Manoir et Benji le puma. Ils étaient dans un état lamentable, Manoir ne pouvait même plus se tenir debout. Maintenant, s’il passe ses journées, allongé sur sa branche préférée, comme Bagheera, c’est parce qu’entre la grasse matinée et la sieste, il s’offre toujours une petite sieste.
Pierre est un autodidacte. Il se plaît à répéter que tout ça ne s’apprend pas, que ça se sent : on comprend les animaux en les observant humblement. C’est aussi un rigolo. Il explique doctement que le serval, ce félin carnivore très élégant qui vit au Sud du Sahara, est assez idiot quand il est tout seul, mais extrêmement intelligent dès qu’il se retrouve en bande. Le contraire de l’homme, en somme. Puis il ajoute, malicieux : un serval, bof, mais des cerveaux ! Un ange passe. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Pierre ne se prend pas au sérieux : toujours disponible lorsqu’il travaille dans les allées du Parc, il discute avec les visiteurs, fait caresser Persil, Jules et Pelote, les ratons laveur, ou Poggia le renard, qui ne refuse jamais un Kinder, sa friandise préférée, et vide les poches des imprudents. Il raconte l’histoire de Manoir ou de Suzy le sanglier, qui couche aussitôt sur le dos ses cent kilos pour se faire grattouiller le ventre en couinant de bonheur.
Un Airbus de Royal Jordanian frôle la cime des arbres pour se poser sur l’aéroport de Genève Cointrin. Les visiteurs lèvent la tête : il est drôlement bas ! La piste commence en fait là où se termine le Parc, le vrombissement des avions est assourdissant : c’est pour ça que nous n’avons pas de girafes, assure Pierre sans se départir de son air sérieux.
Cinquante rapaces tournoient dans le ciel, ils font une halte prolongée sur la route de leur migration annuelle. Ils le suivent partout depuis qu’il a récupéré et remis en forme un des leurs : on le reconnaît facilement à son aile très abîmée qui apparemment va mieux. Lorsque les oiseaux se posent, Pierre ne peut pas s’empêcher de déclamer, paraphrasant Napoléon : du haut de cet arbre, cinquante milans nous contemplent ! On ne demande pas si Pierre est dans le Parc, on regarde où sont les milans, qui surfent et cabriolent dans le sillage des Boeing : Pierre est en dessous. On le retrouve en train de jouer avec ses loups à crinière du Brésil, des animaux très rares qui ressemblent plutôt à de grosses hyènes, ou à des renards montés sur échasses. Il n’en reste pas plus de mille cinq cents en vie, zoos compris. Celui de Bâle a demandé à Pierre de récupérer la femelle épileptique, qu’ils ne pouvaient pas garder et qu’ils voulaient euthanasier. Elle est arrivée en couple, pour ne pas s’ennuyer. Depuis, les crises se sont espacées, et Pampa est née.
Les animaux sont tellement bien ici, au Parc, que leur vie de famille s’en ressent : sans stress, avec une alimentation saine et équilibrée, de la considération et des amis, leur vie est belle. Pierre relâche, une fois guéris, ceux qui ne risquent rien, écureuils, chevreuils, rapaces, sangliers ou hérissons, mais presque tous, même libres, continuent à squatter les alentours et à venir dire bonjour aux copains, pour avaler leur gamelle. Les deux concierges, Suzy et Marie-Rose, installées à l’entrée, gardent avec tous les anciens des contacts. D’ailleurs, tiens, quand vous descendrez là-bas, n’oubliez pas de les gratouiller, comme ça, elles vous reconnaîtront quand vous repasserez dans le groin (celle-là, Pierre aurait pu la faire).
Petit carnet pratique
Parc d’accueil animalier Pierre Challandes
33, route de Valavran à 1293 Bellevue
(sortie Nord-Est de Genève par la route du Lac qui longe le Leman jusqu’à Lausanne)
téléphone : 022 / 774 38 08
télécopie : 022 / 774 30 70
le parc se visite tous les jours de 8h00 à 11h00 (entrée gratuite)
Soutenez Pierre Challandes et sa bande en devenant membre de l’association du Parc d’accueil animalier Pierre Challandes (association à but non-lucratif, reconnue par le Conseil d’Etat de Genève), l’entretien des animaux est assuré uniquement par les cotisations des membres, par des dons, et par la vente des calendriers que le Parc édite chaque année, illustré de ses propres photos
la cotisation annuelle était (à l’époque) de 30 francs suisses (environ 20 euros),
vous pouvez adhérer en ligne, et chaque membre peut visiter le parc aussi souvent qu’il le souhaite
l’adhésion comprend l’abonnement aux bulletins que l’association publie chaque année
le Parc organise chaque année des journées Portes Ouvertes, le 3e week-end de septembre (vérifiez quand même avant de vous déplacer)
Paru dans 30 Millions d’Amis n° 210 d’août 2004 – © Pierre-Brice LEBRUN & 30 Millions d’Amis
LES SEIGNEURS DES COUTEAUX
Allongé sur le ventre, l’émouleur a le geste précis et réfléchi. En contrebas de son moulin à émoudre, le torrent de la Durolle rebondit furieusement entre les cailloux, sa force fait tourner la meule de grès, un mince filet de son eau, détourné, la rafraîchit, qui éclabousse l’émouleur, déjà frigorifié, dans cette cabane de planches ouverte à tous les vents.
C’est qu’il ne fait pas chaud, dans le Puy de Dôme, en hiver, surtout sur les hauteurs de la montagne thiernoise ! Les simples bouts de ferraille brute, grossièrement découpés, deviennent entre ses mains habiles les lames dangereusement effilées, façonnées, qui ont fait et font encore la réputation du couteau de Thiers. L’émouleur ne chôme pas : dès douze ou treize ans, il travaille six jours par semaine, dans le hurlement strident de la meule, cinquante pièces à l’heure, trois à quatre grosses par jour, cinq cents lames du lever au coucher du soleil, quand il y a du soleil. L’émouleur est un travailleur indépendant qui loue sa place au propriétaire de l’atelier, souvent un émouleur à la retraite, et travaille pour le patron le plus généreux. On le paye treize à la douzaine, pour compenser d’éventuelles pièces défectueuses.
C’est ça, une grosse : douze douzaines, cent quarante-quatre lames payées pour cent soixante lames aiguisées, prêtes à être polies sur du cuivre, à l’étage au-dessus, souvent par les femmes et les enfants (d’où l’expression, bien connue : sois polie, dis bonjour à la lame), puis montées sur le manche, le soir et le dimanche, à la maison, autour du feu. Pendant près de trois siècles, l’émouleur a ainsi fait naître la lame, tandis que le rémouleur, aujourd’hui encore, se contente de lui redonner vie.
Dans sa solitude, l’émouleur a deux compagnons : son canari, qui, de ses trilles, rivalise avec la lame quand elle étincelle sur la meule, et son chien, son indispensable chien. Un émouleur sans son chien est un émouleur qui a bien du mal à émouler ! Le canari, c’est une tradition : chaque émouleur a le sien, installé tout à côté de ses oreilles, qui chante toute la journée, qui serine des mélodies pour égayer l’austère atelier. Le canari de l’émouleur est un peu l’ancêtre du poste de radio du travailleur.
Le chien, lui, ne le quitte pas d’une semelle, mais il n’en fiche pas une ramette : c’est probablement le seul exemple sur terre de collaboration forcée entre l’homme et l’animal où c’est l’homme qui bosse, tandis que l’animal réfléchit. J’en connais, des cockers de salon, qui signeraient des deux oreilles, à condition d’avoir en prime une petite couette !
Il est dressé pour dormir, le chien, pour dormir du matin au soir, lové au creux des reins de son maître, sur ses cuisses ou sur ses fesses, pour faire contrepoids et soulager ses lombaires, pour le réchauffer, lui qui a les mains perpétuellement sous le jet d’eau glacée, qui empêche la meule de trop chauffer et d’abîmer les lames. Le chien ronfle en attendant le casse-croûte du midi, boudin ou poulet, fromage de chèvre ou de vache, et le retour du soir, une longue marche éreintante au travers des forêts giboyeuses, sur des sentiers pentus.
Personne ne sait exactement pourquoi Thiers est devenue la capitale du couteau, tout le monde s’accorde à dire que c’est probablement un hasard. Le terrain était propice : une vallée encaissée et une rivière furieuse habitée par des hommes rudes et courageux. Tout à côté, à Arconsat et à Chabreloche, c’est le pays des colporteurs : chaque famille a au moins un ancêtre qui s’en est allé vendre des babioles, de la verroterie et des colifichets, par monts et par vaux. On retrouve des colporteurs d’Arconsat ou de Chabreloche à travers toute l’Europe, et même aux Etats-Unis, face aux Indiens, ou en Afrique, dans la brousse et la savane.
Au pays d’Ambert et de la Fourme, ils ont fait manufacturer des chapelets : encore aujourd’hui, la majorité des chapelets vendus sur la planète provient d’Ambert et de ses environs. C’est probablement une explication : le premier coutelier était un colporteur retraité, qui savait ce qui, sur la route, pouvait se vendre.
La vallée des Rouets, le long de la Durolle, n’est plus maintenant sillonnée que par les touristes : des sentiers balisés, de un à deux kilomètres et demi, vont de Château Gaillard au bout du monde, c’est-à-dire au centre ville. On peut faire la ballade avec son chien, sur les traces de ses valeureux, mais paresseux ancêtres.
Au centre de la vieille ville de Thiers, au Musée de la Coutellerie, toute l’histoire est racontée en images, de façon ludique, avec des couteaux superbes, des photos et des maquettes. La visite se termine dans l’atelier de Pompon, le dernier émouleur en activité, qui travaille de concert avec le dernier chien d’émouleur digne de ce nom, la belle Olga, un bâtard noir de six ans, vaguement labrador, mais très sympathique.
La star du Musée, jadis, ce n’était ni Pompon, ni sa meule, si ses couteaux, c’était la Pomponnette, un croisé cocker noir comme la suie qui posait pour les photographes en prenant des allures avantageuses, en leur présentant son plus beau profil. Pomponnette avait tout compris de son métier, elle avait conscience, c’est une évidence, de perpétuer la tradition, d’avoir sur ses frêles oreilles un poids phénoménal : elle a été longtemps le dernier chien d’émouleur ! D’ailleurs, avant de partir, elle a formé Fanny, l’épagneul, puis Olga. La Pomponnette, c’était un vrai chien de cirque, un chien d’une intelligence rare : Pompon l’a eu sur le dos de cinq mois à seize ans, il ne s’est jamais remis de sa disparition. Il ne pouvait pas s’approcher de sa planche, mettre en marche sa meule, sans que sitôt elle bondisse sur lui pour s’acquitter avec abnégation de son travail.
C’était quelqu’un, la Pomponnette !
Elle a suivi Pompon jusqu’au Danemark, pour épater les Danois dans un grand magasin, elle a travaillé sur les rives du Leman, et aussi à Paris. Pompon se souvient qu’à Lausanne, un Maître d’hôtel obséquieux lui a demandé : votre chien déjeune ? Elle faisait déjà la première page du journal local.
Les émouleurs ont été remplacés par des machines, c’était une race de seigneurs : le travail, c’était le bagne, mais ils savaient vivre, il y avait l’ambiance de la camaraderie, la solidarité, les concours de belote et les chansons en patois, les champignons et la chasse, le dimanche matin, pour améliorer l’ordinaire de la semaine. Ils étaient libres, mais ils la payaient cher, cette liberté. Ils ont été les premiers à se syndiquer, à négocier avec les patrons leurs conditions de travail, à obtenir des droits et une reconnaissance professionnelle.
Pompon est le dernier émouleur de Thiers : il faut absolument qu’après lui un nouvel émouleur reprenne la meule, un jeune qui en formera d’autres, parce que, le regarder travailler, Pompon, avec son chien, son canari, son savoir faire, c’est rendre hommage à ceux qui, pendant trois siècles, se sont éreintés la vue et le dos, pour faire vivre leur ville et leur famille. Cette émotion, aucune machine, aussi performante soit elle, ne pourra jamais la recréer, même si elle est plus rentable.
Petit carnet pratique
Thiers est dans le Puy de Dôme, au cœur du Parc Naturel Régional du Livradois Forez (04 73 95 57 57), entre Clermont-Ferrand et Saint-Etienne,
vous trouvez toutes les informations nécessaires auprès de l’Office de Tourisme de Thiers (04 73 80 65 65) et du Musée de la Coutellerie (04 73 80 29 39), la Vallée des Rouets se visite à pieds tous les jours en juillet et en août (navette au départ de la Place de la Mairie),
Paru dans 30 Millions d’Amis n° 210 d’août 2004 – © Pierre-Brice LEBRUN & 30 Millions d’Amis
LES CHIENS DES PUCES DE MADAME MAX
C’est son anniversaire, aujourd’hui, Madame Max a invité tous ses copains et ses copines, ses frères, ses sœurs et ses enfants, elle a passé en douce tous ses coups de fil, pour lui faire une surprise. Ils sont venus, ils sont tous là, ils ont annulé sans hésiter leurs rendez-vous.
Il y a Samantha, la sorcière rigolote qui tortille du museau quand elle est fâchée, Jujube, Ursula, Olympe, Sidonie, Ivoirine et Greg, le futur mari de Samantha, qui ne raterait pour rien au monde une occasion de rencontrer son amoureuse, mais aussi tous les autres, ses potes, ses voisins et ses collègues … Ils ont mis leur plus beau collier, et les voilà qui déboulent l’un après l’autre dans les allées du Marché Jules Vallès, où Madame Max est antiquaire. Elle est connue comme le loup blanc, Madame Max, aux Puces de Paris Saint-Ouen, avec sa meute de bouledogues français qui la suit partout. Ils passent leurs journées dans sa boutique, vautrés sur leurs coussins, installés comme des bibelots de luxe entre les vases ou les horloges, cachés sous la commode Napoléon III, admiratifs devant les glaces et les miroirs biseautés très Art Déco. Comme ils sont taquins, il faut vérifier au fond des tiroirs, avant d’acheter et d’emmener, s’ils ne s’y sont pas caché. Madame Max, on a un peu oublié son nom, son prénom, le nom de son magasin, c’est Madame Max parce que Max est son chien préféré, son bouledogue français de six ans, le chef de la troupe, le papa d’Ursula, le mari de Samantha, le tonton de Jujube : Madame Max et ses chiens, c’est une vraie famille.
Ce n’est pas elle qui a décidé d’adopter un bouledogue français, c’est le contraire. Un petit chien bougon s’est mis un jour à la suivre dans la rue, il n’a pas voulu la lâcher. Madame Max se remettait difficilement d’un grave accident de voiture, elle souffrait beaucoup et ne se déplaçait qu’avec des béquilles : ce n’était pas le moment de ramener un chien à la maison ! Elle a appelé les gendarmes et la société centrale canine : son tatouage correspondait à celui d’un berger allemand. Elle a fait mettre des annonces, elle a téléphoné à tous les vétérinaires des environs : personne ne connaissait ce chien. La SPA, débordée, lui a expliqué qu’à son âge, on ne lui trouverait plus de maître : c’est un vieux chien, un très vieux chien … Madame Max s’est résolue à le garder, bien obligée. Elle l’a appelé Yoggi. Sa convalescence a duré dix mois. Il ne l’a pas quittée d’un coussinet. Il l’a veillée jour et nuit, sans dormir, attentif, constamment aux aguets. Elle était cassée en mille morceaux, mais il la faisait rire, accumulant les gags et les bêtises. Il s’approchait doucement quand elle avait mal, surveillait les allées et venues, montrait les dents aux inconnus, vérifiait que les soins étaient bien faits et n’oubliait jamais l’heure des médicaments : ouaf ! ouaf ! Il ne tolérait pas le moindre bruit et mettait tout le monde au pas. Il la regardait tout le temps avec tendresse : plusieurs fois, elle l’a même vu sourire, ou cligner de l’œil, pour l’encourager. Quand elle a été enfin guérie, presque le jour même, Yoggi s’est éteint paisiblement, dans le canapé, pendant sa sieste. Il est parti heureux et fier d’avoir accompli son devoir, en apportant à celle qui lui avait sauvé la vie tout l’amour et le dévouement dont ses anciens maîtres s’étaient privés en l’abandonnant. Le mari de Madame Max lui a tout de suite ramené Max, puis elle a récupéré Jujube, trouvée un matin sur le seuil, attachée à la poignée de la porte, avec un petit mot : avec vous, je sais qu’elle sera bien.
On est content de se revoir, on se sent, on se renifle, on se poursuit joyeusement dans les allées du Marché Jules Vallès, les chineurs n’en croient pas leurs yeux, de découvrir ici une telle colo, qui gambade entre les bahuts, les buffets et les fauteuils, qui se course au milieu des luminaires et des jouets anciens de Daniel, le voisin : salut, toi ! salut les copains ! Ursula ! comment tu vas ?
– Mais, et Max ? où est Max ?
– Papa ? c’est vrai, ça : il est où ?
– Mon frère n’est pas là ? tu n’as pas vu Max ?
– Max ? c’est pas vrai ! il n’est pas venu ? mais, c’est son anniversaire !
Madame Max confirme aux chiens stupéfaits que Max est puni : il est resté à la maison. Les chiens sont très déçus : ils se faisaient une joie de fêter ensemble l’anniversaire de Max : mais, qu’est ce qu’il a fait, Max, Madame ?
Chez Madame Max, qui habite à la campagne, vivent aussi le chat Miou-miou et la poule Christiane, qui picore les croquettes du chat dans sa gamelle. Elle le suit partout et s’installe même à ses côtés pour faire la sieste. Tout ce petit monde vit en parfaite harmonie, sauf que, hier, Max a invité, pour jouer à la maison, son copain Marquis le Yorkshire, qui s’est mis à courser la poule dans tout le jardin. La pauvre Christiane n’en pouvait plus, quand Alison, la fille de Madame Max, est intervenue. Max était mort de rire. Il a été puni pour ne pas avoir aidé Christiane. Les chiens sont d’accord : c’est normal, c’est mérité, c’est bien dommage.
Ils l’imaginent tout seul chez lui, tandis qu’eux, ici, se retrouvent avec tant de plaisir et de joie, mais ils ne s’inquiètent pas pour lui : Max n’est pas du genre à se laisser aller, il a déjà fait le mur, ou il regarde la télé, 30 Millions d’Amis, les 101 dalmatiens, Lassie, dont il est depuis toujours éperdument amoureux, ou les aventures de Rintintin, son idole, vautré dans le canapé, la gamelle à portée de la truffe, la baballe ou le nonos sous l’oreiller. Madame Max regrette sa sévérité devant la déception des chiens dépités.
– Bon, les chiens ! on arrête de déprimer et on va boire un verre, je vous invite !
– Youpee ! moi, je prends un chocolat ! un Coca, pour moi !
Les voilà tous attablés au Café La Péricole, rue du plaisir, à se raconter des souvenirs et des histoires drôles. On ne l’oubliera pas de sitôt, l’anniversaire de Max : il n’était pas là, le pauvre, mais qu’est ce qu’on a bien rigolé !
Paru dans 30 Millions d’Amis n° 208 de juin 2004 © Pierre-Brice LEBRUN & 30 Millions d’Amis
OXBOW LE TERRE-NEUVE DE LA TREMBLADE
Il préfère passer ses jours en mer, Oxbow, il t’aboie dessus si tu ne l’emmènes pas sur l’eau.
Le vent, les embruns, c’est son truc, les poissons, qu’il dévore crus sitôt pêchés, son pêché mignon, même si “mignon” ne s’accorde pas bien avec ce chien imposant.
Les parcs à huîtres de Marennes Oléron sont pour lui le plus beau des terrains de jeu.
Dès le matin, il arpente la grève et scrute l’horizon, assis devant la cabane qu’il partage avec Frédéric Favier, ostréiculteur à La Tremblade. Partira ? Partira pas ? Il faut attendre la marée, ce gros nounours de sept ans le sait bien, il est un marin aguerri, mais, impatient, il ne lâche pas Fred d’une semelle, et ne quitte pas le chaland des yeux. On ne sait jamais … La semaine dernière, Fred a osé partir sans lui. Oxbow venait d’être tondu, pour la première fois de sa vie. Les paquets de sable, de sel et d’éclats de coquilles qu’il ramène de ses baignades quotidiennes, ou de ses courses avec ses copains chiens, l’empêchaient de sécher. Oxbow était humide en permanence. Fred s’est inquiété, il l’a emmené chez le toiletteur, qui a admiré son poil aux reflets roux, buriné par le soleil et le vent. De peur qu’il ne prenne froid, le lendemain, Fred est parti en mer sans lui. Le chaland était chargé et le vent mauvais. Oxbow n’a pas apprécié du tout. Pendant deux heures, il a rageusement nagé en rond dans le chenal en râlant, et Fred, une fois revenu, lui a promis de ne plus jamais le laisser sur la berge.
Frédéric, avec Roxane, vend directement ses huîtres sur les marchés de Vierzon, Salbris et Montrichard. Oxbow l’accompagne parfois, mais le commerce, la foule, il n’aime pas trop. Il couche, à l’ombre ou au chaud, ses soixante-dix kilos, et s’offre une petite sieste apéritive. Il est la star du marché, c’est toujours agréable, mais la mer lui manque. La mer et la sieste sont les activités les plus importantes de sa vie. Aux côtés de Frédéric, son meilleur copain, il se prête de bonne grâce aux câlins des enfants, en rêvant d’Océans. Les autres jours, Frédéric va surveiller ses parcs à huîtres. Il y a toujours quelque chose à faire, sur les parcs : le travail change au gré des saisons, mais il n’est jamais possible de se la couler douce. Le chaland à fond plat lancé à toute vitesse tape durement dans les creux. Capitaine en second, figure de proue stoïque, insubmersible, Oxbow, ballotté par les vagues, les oreilles en arrière, comme des fanions, est insensible aux éclaboussures. Il se la joue corsaire entre Marennes et Oléron. Les ostréiculteurs ont des parcs à huîtres, dispersés un peu partout en mer, entre La Tremblade, Marennes et Oléron, les forêts de pieux au-dessus des flots, signes cabalistiques aux yeux du profane, sont des balises, décorées, enturbannées, coloriées ou fourchues, agrémentées parfois d’un sac qui vole au vent, d’un fanion, ou d’une ficelle, qui permettent aux exploitants de retrouver leurs parcelles. Ils sont 1300 à élever des huîtres dans ce bassin historique, déjà utilisé en 93 avant JC, ils produisent chaque année 40.000 tonnes d’huîtres, coquilles comprises. Elles naissent ici naturellement, elles y poussent tranquillement pendant quatre ans, puis elles sont affinées dans des claires, ces bassins argileux situés derrière les petites cabanes multicolores du port. C’est l’affinage qui leur donne ce goût incomparable : la fine de claires est affinée plusieurs semaines, la fine de claires verte, ronde et rebondie, doit son nom à la couleur de sa chair, la spéciale de claires est plus ferme, plus savoureuse, et la pousse en claires, exceptionnelle, bénéficie de quatre à huit mois d’affinage.
Au lieu-dit la Casse du Four, au milieu de nulle part, Frédéric doit, ce matin, dresser les tables face au vent et au courant dominant. Sur ces tables, il posera les sacs d’huîtres, qu’on appelle des poches, elles gonfleront au fur et à mesure que les huîtres grossiront. La mer se retire lentement tandis que Fred partage son casse-croûte avec Oxbow. Elle fait petit à petit place à une marée verte bien ordonnée, laissant apparaître progressivement des champs de tables, recouvertes de poches teintées par le plancton dont les huîtres se nourrissent. Le chaland se pose sur le sable, lorsque la marée est basse, c’est pour ça qu’il a un fond plat. La mer va bientôt remonter, il n’y a pas de temps à perdre. Oxbow se couche dans un coin pendant que Frédéric travaille, aujourd’hui avec son père, venu lui donner un coup de main. Fred, à la maison, quand il était petit, il a toujours eu des bergers allemands, mais il rêvait d’un Terre-Neuve, un chien aussi marin que lui. Une cousine vendéenne, qui a une femelle, la maman d’Oxbow, s’en est souvenue, et l’a un jour appelé : j’ai un petit pour toi. Fred a ramené Oxbow dans ses bras, il le portait dans le creux de sa main. La sœur d’Oxbow, Pamela, sauveteur dans l’âme, est partie aux Etats-Unis. Elle travaille comme maître nageur sur les plages de Malibu, mais c’est une autre histoire.
Lorsque, au retour, Fred engage son bateau dans la Coursière des Lézards, Oxbow est sur le pont, concentré, tendu, aux aguets, il surveille les flots et chope au vol les mulets imprudents, affolés par le passage du bateau dans ces eaux peu profondes. C’est son goûter, son dix heure, sa gourmandise. Le gros nounours est un peu pataud sur terre, mais, dans l’eau, d’une souplesse, d’une agilité et d’une rapidité qui désolent les poissons effrayés. Il ne les tue pas pour le plaisir, il les chasse, les attrape et les mange, il les découpe quand il ne les gobe pas, tête, écailles, arêtes, queue et nageoires, il avale tout, comme un ours. Fred échoue le chaland sur un banc de sable et plonge avec son chien, il s’accroche au collier d’Oxbow qui le remorque, pour suivre les poissons épouvantés, fait la course avec les mulets qui n’en croient pas leurs ouies : mais pourquoi moi ? Sa force dans l’eau est impressionnante. Il tire Fred derrière lui, qui n’est pas un petit gabarit, sans même ralentir. Un saumon du Canada, de passage dans la région, s’étonnerait d’y croiser un grizzly : avec son poil rasé, hâlé par le soleil, c’est exactement ce à quoi il ressemble. Les deux copains se poussent et s’éclaboussent, Fred essaie de faire couler Oxbow qui, d’un coup de patte ou de tête, l’envoie en représailles toucher le fond. Ils jouent ensemble pendant des heures, comme des gamins insouciants qui sortent de l’école. Sur les bancs de sable, le jeu de la balle prend une saveur particulière, Oxbow doit plonger pour ramener les coquilles d’huîtres que Fred lui lance. Quand tout à l’heure, à la tombée du jour, le bateau ralentira pour s’engager dans le chenal, Oxbow plongera, pour finir à la nage, ça amuse beaucoup les touristes, de le regarder suivre le bateau jusqu’à la cabane de Fred. Après, c’est gamelle et dodo, demain sera un autre jour. Ne pas voir la mer, ne pas plonger, passer une journée sans nager, serait pour lui la pire des punitions. Frédéric ne va pas en mer tous les jours, il a aussi beaucoup de travail à terre, alors Oxbow se baigne dans le chenal, matin, midi et soir. Il connaît le nom des petits et des grands bateaux, il salue les capitaines d’un ouaf ! sonore et amical. Les chalands lui répondent en klaxonnant, c’est normal, entre vieux loups de mer …
© Pierre-Brice Lebrun (avril 2005)