La Jordanie ? le plus beau pays du Monde
je suis tombé, de la Jordanie, littéralement amoureux, après y avoir, avec mon épouse, passé une dizaine de jours de vacances …
j’y suis, depuis, retourné une dizaine de fois, j’essaie d’y aller chaque année, au moins quinze jours, pour le plaisir et pour le travail : pour de sombres raisons de droits et d’éditeurs (le copyright), je ne peux mettre en ligne que quatre des articles que j’ai publié sur cette destination …
Amman à pied, de haut en bas et de bas en haut
in ViaMichelin le 23 février 2010, retrouvez l’article en ligne
(avec son carnet d’adresses !)
On a dit au taxi : à la Citadelle.
On avait dans l’idée de rentrer à pied, sans plan, sans itinéraire, le nez au vent, de marcher jusqu’à ce que l’hôtel apparaisse, en laissant notre esprit vagabonder.
On y a passé la journée.
On a même sur un trottoir rencontré un perroquet.
La Citadelle surplombe Amman.
On l’appelle la Citadelle, mais ce n’est pas vraiment une citadelle, bien que la place soit fortifiée depuis des millénaires.
Elle abrite, derrière les 1 700 mètres de son mur d’enceinte, le Palais des Omeyyades, une basilique byzantine, le temple romain d’Hercule, construit sous Marc Aurèle (121-180) et le Musée national archéologique, un rien décevant.
On y a Croisé des Templiers
Amman est l’une des plus vieilles villes encore peuplées du Monde, les fouilles réalisées au sommet du Jebel al-Qala’a ont permis d’établir qu’elle était déjà habitée à l’âge de bronze, 5 000 ans avant Jésus-Christ (qui a d’ailleurs été baptisé pas loin, par Saint-Jean, à Al-Maghtas, sur les rives du Jourdain, juste en face de Jéricho).
Amman s’est longtemps appelée Philadelphia, par la volonté du Pharaon Ptolémée II (de -309 à -246) : tour à tour nabatéenne, comme Petra, grecque et romaine, elle faisait alors partie de la Décapole, l’alliance des dix villes les plus puissantes du Moyen-Orient en 200 av. JC.
Les Ghassanides (220-638), une tribu d’arabes chrétiens qui parle araméen, lui donnent à nouveau le nom d’Amman, parce qu’elle a été la capitale du Royaume des Ammonites, le peuple biblique des fils de Loth.
En 1161, la Citadelle est occupée par les Croisés.
Cinq ans plus tard, elle revient aux Templiers.
Elle est depuis 1921 la capitale de la Jordanie, indépendante depuis le 25 mai 1946.
Sur ces pavés ont flâné des Centurions
On prend plaisir à déambuler sur le site de la Citadelle, à emprunter l’allée des colonnes, à suivre le chemin de ronde, à mettre ses pas dans les pas des Chevaliers, à pénétrer dans la nef à ciel ouvert, mais l’intérêt du lieu est sans conteste la vue qu’il offre sur l’étonnante et tentaculaire capitale du Royaume Hachémite.
On observe de là-haut l’empilement hétéroclite des petites maisons grises, plus ou moins carrées, édifiées le long des pentes.
Elles ressemblent aux briques d’un jeu de construction qu’un gamin capricieux aurait éparpillé d’un geste rageur.
On ne décèle nulle logique d’urbanisme dans le tracé des rues : elles ont probablement du s’adapter, seules, à ce désordre, pour se frayer un chemin sans l’aide des Hommes.
Elles montent et elles descendent sans cesse, pour slalomer entre les constructions, les chantiers et les mosquées : la ligne droite, que d’aucun considèrent comme le chemin le plus court d’un point à un autre, n’a pas cours, à Amman.
Le sens de l’orientation est le meilleur ami du promeneur et de l’automobiliste. Le Royal Building aussi, qui abrite le Royal Hôtel. Il est l’un des plus imposants immeubles d’Amman, cela ne l’empêche pas de disparaître, de devenir inaccessible au hasard des hauteurs et des virages : construite jadis sur 7 collines appelées Jebel, Amman en recouvre aujourd’hui 19.
Là-haut, les bruits de la ville sont étouffés par le vent, par la chaleur pesante qui pose comme un couvercle sur l’agitation urbaine : le calme règne, mais le soleil ne se prive pas de taper.
Il y a bien quelques klaxons, que l’on finit par ne plus entendre : à Amman, lorsque le feu passe au vert, on klaxonne d’abord, on démarre ensuite.
Au taxi, on a demandé pourquoi : il ne savait pas, mais il klaxonnait quand même, machinalement, de toutes ses forces.
Le soir, quand se couche le soleil, une bonne centaine de minarets s’illumine : chaque quartier a sa mosquée, seule touche de couleur dans ce paysage uniforme, avec quelques affiches publicitaires, quelques portraits du Roi Abdallah et une multitude de taxis jaunes qui s’activent comme autant de fourmis.
Amman, il faut l’avouer, n’est pas une belle ville, juste un amas improbable, poussiéreux, de maisonnettes en béton et d’immeubles en verre teinté, bordée, transpercée d’autoroutes et d’échangeurs.
Les touristes, souvent, la délaissent, sa situation, centrale et sa vie nocturne permettent pourtant de visiter confortablement la moitié nord du pays qui, lui, est d’une beauté exceptionnelle : Jerash, la route des Châteaux du désert, la Mer Morte, Madaba et le Mont Nebo ne sont qu’à quelques kilomètres …
Elle fait son turbin dans les salles de bain
Bon. Il faut redescendre. On traverse un parc sans arbres et une pelouse sans herbe pour emprunter une rue sans trottoir qui, en colimaçon, fait plusieurs fois le tour de la colline. Impossible de couper court.
On va essayer de rejoindre le théâtre romain.
Les habitants nous saluent, peu habitués à voir passer, dans ce quartier populaire, des européens devant leurs fenêtres, surtout à pied.
Un homme engage en anglais la conversation.
Il nous indique approximativement la route à suivre, mais il n’est pas sûr de lui : je n’y vais qu’en voiture !
Il propose de nous emmener, notre refus l’amuse.
On lui dit où est notre hôtel : vous allez marcher jusque là ? Il nous prend pour des fous. Il éclate de rire.
Un enfant en vélo, qui n’a pas entendu la conversation, l’imite comme un écho de l’autre côté de la rue.
On a jusqu’à présent vu peu de femmes, ce qui ne correspond pas à la réalité d’Amman, ni à celle de la Jordanie, qui compte tout de même 7 sénatrices (sur 55), 6 députées (sur 110), 4 femmes ministres (sur 26), et dont l’Ambassadeur en France est une femme.
Hier, au Jordan Forum for Business and Professionnal Women, nous avons rencontré Khawla, très fière d’être la première femme plombier du pays : ancien mannequin, elle arpente désormais Amman et sa banlieue avec sa mallette et ses outils, elle enseigne aussi la plomberie aux étudiants, filles et garçons, des écoles professionnelles.
Quand l’acoustique …
Une heure qu’on marche, et voici le théâtre, au détour d’un escalier percé entre deux pâtés de maison, sur lequel joue une bande de gamins que notre passage semble beaucoup amuser.
On raconte que ses gradins peuvent accueillir 6 000 spectateurs.
Il a été construit entre 138 et 161 sur les ordres de l’Empereur Antonius Pius (86-161), c’est-à-dire Antonin le Pieux, originaire de Nîmes et père adoptif de Marc Aurèle.
Pause.
Un vieux Bédouin qui guette le touriste veut absolument nous faire entendre quelque chose.
Il monte sur la scène, se plante au milieu, à un endroit stratégique qu’il refuse ensuite de nous montrer, et murmure une chanson qui s’élève dans les airs. Elle rebondit de mur en mur comme s’il était en train de la hurler à tue-tête.
Il éclate de rire devant notre air ahuri.
Fatima nous a, dans le théâtre de Petra où cela ne fonctionne plus, parlé de ce phénomène.
Fatima Awad Al-Bodull a 25 ans : aussi francophone qu’anglophone, elle est la seule guide diplômée de Jordanie issue de la communauté bédouine, la seule aussi à travailler à Petra.
La Jordanie compte près de 600 guides officiels, dont à peine 20 femmes. Fatima est la plus jeune. Elle est née à l’intérieur du site, qu’elle a habité jusqu’à l’âge de 5 ans et qu’elle connaît par cœur.
C’est à Petra, également, que nous avons rencontré le docteur Wijdan Ben Hamad, vétérinaire à la clinique Princesse Alia de Wadi Moussa qui, à l’entrée du fabuleux site nabatéen, pour le compte de la Fondation Brooke Hospital, soigne gratuitement les chevaux, les ânes et les dromadaires des Bédouins.
Si elle porte le voile, c’est pour ne pas provoquer les anciens quand elle sillonne la région en bleu de travail. Les hommes l’écoutent, suivent ses conseils, même les plus conservateurs, elle se défend néanmoins d’être un modèle pour les autres femmes, de représenter la nouvelle Jordanie : il n’y a qu’une seule Jordanie, tolérante, dans laquelle chacun a le droit de vivre comme il l’entend.
Des souks, des bus et des cafés
Le théâtre romain n’est pas, à Amman, installé dans le quartier le plus sûr de la ville : tout autour de lui se déploie un camp de réfugiés palestiniens, dont on peine à percevoir les limites.
On raconte qu’il vaut mieux éviter d’y traîner le soir, ce qui est étonnant : Amman est une ville sûre, où le touriste ne risque que ce que l’on risque habituellement dans une mégapole de 2,5 millions d’habitants, dont certains, réfugiés d’Irak ou de Palestine, vivent dans une très grande précarité.
On peut y manger, le midi, en terrasse, une grillade ou un shawarma, avec des légumes crus et beaucoup d’hoummous.
Il est préférable d’attendre d’être arrivé à Petra pour découvrir la gastronomie typiquement jordanienne, c’est-à-dire bédouine, mensaff et maglouba de chevreau : les Bédouins servent volontiers le repas, le soir, sur commande, au cœur de la petite Petra, un quartier excentré du site nabatéen, que peu de touristes connaissent.
Autour du théâtre, s’étend le centre du centre, avec ses taxis collectifs qui sillonnent le pays pour pas cher, ses bus, ses camions, ses souks et sa multitude de boutiques où tout se vend, du high-tech aux keffiehs rouges des Bédouins, de la volaille aux 4×4 japonais, des ordinateurs d’occasion aux carburateurs de camions. Il est difficile de marcher sur les trottoirs encombrés, qui débordent de marchandises, il est plus confortable de s’asseoir à une terrasse, devant un thé, pour regarder la ville bruisser …
Un kebab et au lit
Après un débat animé sur la route qu’il convient d’emprunter, on entame la remontée vers Jebel Amman, le quartier des hôtels et des ambassades, qui vit aussi la nuit.
On m’aurait écouté, on aurait marché une (bonne) heure de plus.
Vers 21 heures, à Jebel Amman, s’animent des bars, des boîtes, des restaurants fréquentés par la jeunesse huppée ou par les expatriés. On y fume le narguilé, on y écoute de la musique, certains servent de l’alcool ou accueillent la discrète communauté homosexuelle.
Sur un trottoir, un perroquet multicolore et bavard sert d’enseigne à une oisellerie.
Il nous apostrophe d’un cri aigu avant de présenter au photographe son meilleur profil.
Sur la gauche, comme monté sur des échasses, le Wild Jordan, un café restaurant écolo qui propose une petite restauration, des expos et des infos sur les Parcs Naturels jordaniens (à ne pas rater, celle de Dana, classée réserve de la biosphère par l’UNESCO).
On y a déjeuné, il y a quelques jours, avec Ala’a Gharaibeh, jeune professeure de français à l’Université Nationale d’Irbid, un établissement privé mixte du nord de la Jordanie, qui accueille quelques centaines de futurs ingénieurs, commerciaux ou informaticiens. Elle l’enseigne également à l’Université de Yarmouk, une des plus prestigieuses du pays : je suis pourtant devenue professeur par hasard, après des études de langues, je voulais travailler dans l’import export, on m’a proposé ce poste, je l’ai accepté. Irbid, la ville universitaire qui détient le record du monde du nombre de cybercafés, est particulièrement vivante et animée, aux terrasses de ses pâtisseries, cafés et restaurants, les filles et les garçons écoutent de la musique autour d’un verre en fumant le narguilé. Ala’a Gharaibeh est encore célibataire, à 28 ans : ça ne dérange pas mes élèves, mais je sais que certains parents n’apprécient pas, ils m’ont déjà reproché de prendre la place d’un homme, alors que je devrais être à la maison en train de m’occuper du ménage et des enfants … pour la plupart, une femme prof de fac en Jordanie est encore forcément une femme pistonnée !
Sur la droite, au bout de l’avenue, le quartier populaire de Shmeisani et le cabinet du docteur Taroub Khoury, qui a fait partie, en 1978, de la première promotion de médecins diplômés par la Faculté d’Amman.
Elles étaient huit femmes, pour une quarantaine d’hommes.
Taroub Khoury est chrétienne, comme environ 5% de la population jordanienne (la Garde Royale est même exclusivement composée, depuis sa création, de soldats caucasiens, Circassiens et Tchétchènes). Elle reçoit et soigne, dans sa petite clinique, des chrétiens et des musulmans : j’ai des barbus intégristes, fanatiques, qui refusent de me serrer la main au nom de l’Islam, mais qui se déshabillent devant moi pour que je les ausculte !
Elle nous a expliqué qu’il y a de plus en plus de femmes médecins, en Jordanie, que c’est une bonne chose : mais elles choisissent plutôt des spécialités comme la gynécologie ou la pédiatrie, nous ne sommes que six, aujourd’hui, dans tout le pays, à pratiquer la médecine interne libérale.
On passe devant le Books@Café, à la fois librairie, cybercafé, bar et restaurant. On commence à avoir un peu mal aux pieds : six heures, qu’on marche à travers la ville. Heureusement, au 2e Cercle, le Reem sert, pour moins de 2 euros, les meilleurs kebabs et shawarmas du pays : de quoi se refaire une santé. La longue file d’attente permet de le repérer, de jour comme de nuit. On raconte que le Roi lui-même, de temps en temps, vient s’en prendre un en douce, en toute discrétion, ce qui n’a rien d’étonnant : au Centre commercial Mecca Mall (195.000 m2 pour 350 boutiques, dont un supermarché Miles, furieusement européen), on a croisé, il y a quelques jours, la Reine Rania qui, tout sourire, faisait du shopping, accompagnée d’un seul garde du corps.
Le chant du muezzin retentit alors que la nuit tombe.
L’hôtel n’est plus très loin, un peu après le 3e Cercle qui sert de point de repère. Le calme et la verdure des quartiers résidentiels tranchent avec l’agitation du centre-ville, dépourvu d’arbres.
Le kebab à la main, on presse le pas, attirés le thé servi sur la terrasse de l’hôtel …
En Jordanie, sur le chemin de Bagdad : les Châteaux du désert
in ViaMichelin le 23 février 2010, retrouvez l’article en ligne
(avec son carnet d’adresses !)
Excellente idée d’excursion d’une journée au départ d’Amman, la route des Châteaux du désert nécessite une journée entière : il y a un château à peu près tous les 15 kilomètres, deux ou trois au moins sont à visiter.
Les touristes les plus courageux, après avoir déjeuné à Azraq, reviennent par le Nord, pour ne pas rater Umm al Jimal et Irbid qui, le soir, ressemble à Las Vegas …
Il faut quitter Amman par le sud, et emprunter l’autoroute qui file vers l’aéroport International Queen Alia : axe majeur du pays, la Desert Highway (la 15, de son vrai nom) arrive de la frontière syrienne pour rejoindre Aqaba, coincée, sur les rives de la Mer Rouge, entre Israël et l’Arabie Saoudite.
Parallèle à la King’s Highway qui serpente au sommet des montagnes de l’Arabah, la Désert Highway suit la voie ferrée du Hedjaz, passe à proximité de la fabuleuse Petra, perle nabatéenne du Royaume Hachémite, et frôle le désert du Rum dans lequel Lawrence d’Arabie contemplait les sept piliers de la sagesse. On y évite des ânes, des dromadaires, des camions qui font demi-tour, et les célèbres bus Jett qui, le clignotant en option, déboîtent sans prévenir.
Il est difficile de s’extirper d’Amman : où commence la ville, où se termine-t-elle, où se trouve son centre ?
Cela reste un mystère.
Ses faubourgs n’en finissent pas de se succéder, ils se ressemblent tous : les immeubles en verre des grandes banques mondiales côtoient d’archaïques ateliers de réparation de pneus, des petits restaurants ou des bazars aux vitrines décorées de publicités.
Il y a des autoroutes dans tous les sens.
Une seconde d’inattention, la ballade tourne au cauchemar : il faut repérer les Cercles numérotés, de grands carrefours qui servent d’échangeurs, de points de repère. Ils permettent de s’orienter, un peu comme des palmiers dans le désert.
Plus facile à dire qu’à faire : au septième Cercle, enfin, une pancarte en anglais indique l’aéroport.
Ouf. La route d’Azraq ne doit plus être très loin.
Sur la droite, alors que s’alignent de part et d’autres de la six voie des villas tarabiscotées, apparaît en effet très vite l’embranchement de la 40 : d’un côté, elle file vers la Mer Morte et le King Abdullah Bridge, qui franchit le Jourdain (le fleuve où est né le mot jardin), pour permettre l’entrée en Palestine, de l’autre, après quelques détours, elle devient -enfin !- la route des Châteaux du désert.
Une autre solution, moins stressante, est de réserver pour la journée un taxi, ce qui revient souvent moins cher que la location d’une voiture : chaque hôtel a ses chauffeurs préférés, et ses tarifs négociés.
Maisons de campagne
Azraq -on y sera ce midi, pour déjeuner sous les tonnelles du Al-Shallal al-Montazah-, est un nœud routier perdu au milieu de ce grand désert plat qui s’étend, à l’est de la Jordanie, sur des kilomètres et des kilomètres.
Les routes de Damas à Riyad, d’Amman à Bagdad, empruntées par des centaines, des milliers de camions vétustes et brinquebalants, se croisent à Azraq, un oasis entouré de cailloux. Les routiers profitent du village pour faire une pause, la dernière avant la frontière, histoire de resserrer quelques boulons, de faire quelques courses dans les multiples épiceries qui exposent leur marchandise sur le trottoir.
les châteaux du désert construits le long de la route Amman – Bagdad et Arabie Saoudite – Syrie
La route des Châteaux du désert n’est pas qu’un itinéraire touristique : c’est aussi -et surtout- une artère économique vitale pour ces quatre pays. On commerce d’ailleurs dans la région depuis bien longtemps : ces magnifiques et imposants châteaux qui apparaissent le long de la route ont été construits au VIIe et VIIIe siècle par des califes omeyyades qui, en y donnant une ou deux fois l’an des fêtes sublimes, s’assuraient la loyauté des chefs de tribu nomades.
Ils les invitaient dans leurs bains luxueux et les régalaient plusieurs jours d’affilée.
Le reste du temps, une petite garnison veillait à défendre sur place les intérêts du calife, qui venait de temps en temps y passer le week-end, pour chasser l’oryx, organiser des courses de chevaux ou s’adonner à la fauconnerie.
Les Omeyyades sont une dynastie de califes sunnites (de l’arabe khalîfa, « successeurs », sous-entendu « du prophète ») qui ont gouverné le Monde musulman pendant près d’un siècle, de 661 à 750.
Leur capitale était Damas. Leur nom est celui d’un de leurs ancêtres, Omayya, grand-oncle de Mahomet.
La dynastie des Omeyyades a été suivie par celle des Abbassides (750 à 1258), qui tire son nom d’Al-Abbâs, l’oncle de Mahomet. Elle installe sa capitale à Bagdad (762).
Les Abbassides font partie de la tribu des Quraychites, comme les Hachémites (d’Hashim, l’arrière-grand-père de Mahomet, dont ils descendent directement), qui règnent aujourd’hui sur la Jordanie. Les Abbassides ont ensuite laissé la place à l’Empire Ottoman, qui n’a disparu qu’en 1922.
Dans la chambre de Lawrence
Le Ksar (ou Qasr) al-Kharrana (ou al-Kharaneh) est le premier à apparaître, sur la droite de la route, à une cinquantaine de kilomètres d’Amman : c’est une grosse bâtisse carrée, austère, construite en 710 après JC pour le calife Al-Walid 1er.
Sur le parking, des bédouins ont monté la tente, ils vendent des cartes postales et quelques bibelots, ils proposent également des boissons fraîches et du thé, que l’on boit en leur compagnie, affalés sur des tapis : il mijote en permanence sur les braises et, comme le redoutable mais savoureux café bédouin, il vous évitera de dormir pendant toute une semaine. Il est possible de passer la nuit sur place, pour pas cher (tout se négocie), l’ambiance est sûrement sympa, mais le lieu, c’est le moins que l’on puisse dire, ne dispose d’aucun confort.
On ignore qu’elle était l’utilité de ce château très différent des autres : fortifié, son rez-de-chaussée fait penser à un caravansérail, bien qu’il n’y ait aux alentours aucune réserve d’eau, mais le luxe de ses étages (fresques, bas-reliefs, colonnes, arcs de voûte, moulures) rend l’hypothèse peu probable. Alors, pavillon de chasse ? salle de réunion ?
Mystère.
On accède à son toit, d’où l’on observe le ballet des camions sur le ruban d’asphalte qui zigzague à perte de vue.
Un signe de la main, un klaxon. Un signe de la main, un klaxon.
On peut y passer la journée …
Un peu plus loin, à gauche, c’est le Qseir Amra (Qseir signifie « petit château »), qu’il ne faut rater sous aucun prétexte, pour ses fresques, ses bains et son puits : il aurait édifié en 711 après JC par le même Al-Walid 1er, qui a également fait bâtir la Mosquée des Omeyyades de Damas.
Azraq, oasis aujourd’hui asséché, n’est plus qu’à quelques kilomètres : on y visite avant de passer à table le Qal’at al-Azraq (Qal’at veut dire fort, fortifié), construit en basalte noir au IVe siècle par les Romains, puis rénové par les Byzantins (395-1453, ou Empire romain d’Orient, qui a pour capitale Byzance, c’est-à-dire Constantinople), et aménagé par Walid II.
Lawrence d’Arabie raconte dans les Sept piliers de la sagesse qu’il a passé l’hiver 1917-1918 dans la pièce qui surplombe l’entrée Sud.
Le silence des chameaux
Pour regagner Amman, trois solutions : un simple demi-tour, mais il est peut-être dommage de faire en sens inverse la route du matin, prendre la route 30 qui rejoint l’autoroute qui contourne Amman par l’est et le nord via Az Zarqa, ou préférer la route 30, puis la 5, puis la 10 pour Umm al-Jimal (littéralement, « la mère des chameaux ») et Irbid.
Le long de la 30, on pourra s’arrêter au Hammam de Sarah (Qasr Hammam as-Sarkh) et au Qasr al-Hallabat, un des plus grands Châteaux du désert, construit le long de la Via Nova Traiana, qui reliait Damas à Aqaba en passant par Amman (qui s’appelait Philadelphia) et Petra. Le long de l’autre itinéraire se succèdent le Qasr Ain as-Sil (une petite ferme), le Qasr Aseikhin (juste pour le panorama), et le Qasr Deir al-Kahf (très difficile d’accès), mais il faut absolument se réserver du temps pour découvrir à la tombée de la nuit, le fantomatique village d’Umm al-Jimal (sur la 10, 15 km à l’est de Mafraq).
On ne sait pas grand-chose de cet méconnu ensemble urbain de bâtiments détruits en 747 par un tremblement de terre (plusieurs Guides, démunis, confondent même son histoire avec une partie de celle de Jerash).
Fondé par les Nabatéens déjà sur le déclin, occupé par les Romains et les Byzantins qui l’ont façonné, puis par les Perses Sassanides, le bourg agricole a même abrité l’armée française pendant la première guerre mondiale.
Umm al-Jimal, contrairement à ce que son nom peut laisser croire, n’a jamais vraiment été un caravansérail, plutôt un gros bourg paysan (qui a compté jusqu’à 3 000 habitants), puis une ville de garnison. On se promène sans entraves dans le silence de ses ruelles intactes, on en foule les pavés comme les ont foulés les derniers habitants, on entre dans des maisons où tiennent encore debout de vacillants escaliers, on passe des portes, on s’assied sur des seuils …
Umm al-Jimal, déserte, est à l’image de la Jordanie : attachante, authentique et émouvante.
Pétra, mystérieuse et insoumise
avec des photos d’Alen Méaulle
petra.pdf
in VOYAGES plus n° 20 du 20 juin 2009
ci-dessous mon carnet d’adresses à Petra
Réveillonner en Nabatée
in Cheval Magazine 461, décembre 2006
D’abord, il y a les couleurs, incroyables, un infini d’ocres, de bleus et de roses flamboyants, qui se superposent, s’épousent et se révèlent sous une lumière qui évolue sans cesse : chaque minute, chaque seconde, chaque rocher éclairé transforme le désert, le paysage et l’horizon, efface les distances, colorie le sable, fait apparaître une piste, un arbuste, un relief étrange, tout à l’heure invisible.
Ensuite, il y a les chevaux, des arabes bédouins, trapus et de bonne volonté, robustes et rustiques, qui préfèrent tout de même les bons cavaliers.
Warda, Mabrouka et les autres ne tardent pas à jauger leur compagnon de route, malheur à celui qui n’arrive pas à les convaincre : amateur, s’abstenir.
Et puis, il y a le silence, total le jour, absolu la nuit, troublé seulement par le chant discret des étoiles, autant de sirènes aux yeux des voyageurs émerveillés.
Le soir, au bivouac, on peut parler, rire et chanter, échanger ses impressions, ses émotions, mais la journée, souvent, on marche en silence, sur les traces de Laurence d’Arabie et des caravanes nabatéennes, impressionné, ému par la beauté du désert.
le cavalier en noir -comme Zorro- c’est moi ! (© Alen Méaulle)
On garde, épuisé, les yeux écarquillés le plus tard possible, pour regarder la nuit tomber, on les ouvre tôt, le plus tôt possible, pour voir le soleil se lever.
Enfin, il y a les bédouins, ceux qui appâtent le touriste à l’entrée du village de Wadi Rum pour lui proposer une heure ou deux de ballade en Jeep (il faut bien vivre), ceux que l’on croise en route, souriants et accueillants, qui offrent le thé, ou ceux, Ahmad, Moffleh, qui travaillent avec Emmanuelle, la cavalière Française expatriée, chevronnée et diplômée, parfaitement intégrée, qui organise et encadre dans le Rum les plus fabuleuses randonnées équestres qui soient, à la dure ou cinq étoiles.
Les cavaliers montent dès l’aube, cinq à six heures par jour, tout dépend des rencontres, de 35 à 45 kilomètres dans le sable et la caillasse, avec pique-nique et surtout sieste, à l’ombre : crapahuter au soleil entre midi et 16 heures est parfois suicidaire.
Le soir, après un repas copieux, galette, grillades, fromage de brebis, hommos et thé à la menthe, parfois un Maglouba ou un Mensaff, les plats typiques des bédouins, à base de poulet ou de chèvre, ils dorment dehors, éventuellement sous la tente, emmitouflés mais heureux, tandis que Lola patrouille, chien du désert attentif aux moindres détails. Elle accompagne celui qui s’éloigne, rien de ce qui se passe au camp ne lui échappe. Les chevaux ont passé la nuit à quelques mètres, ils sont les premiers à petit-déjeuner : les bédouins, sitôt levés, les rejoignent après avoir mis l’eau à chauffer, Lola les suit, pour s’assurer que tout va bien. Le lever du soleil fait rougeoyer le sable, les rochers violets s’allument les uns après les autres, le ciel s’ensoleille alors que disparaissent les ombres.
Le randonneur éveillé vérifie qu’aucun scorpion malicieux ne s’est tapi pour rigoler au fond de ses chaussures : c’est peu probable, tout juste possible, mais un petit coup d’œil n’engage à rien. En bientôt quinze ans de rando, à raison d’une bonne trentaine par an, jamais un accident, pas un rapatriement, et aucun mécontent : la majesté du désert ne peut qu’emballer même les plus réticents, le téléphone satellite n’a jamais servi à appeler l’hélicoptère.
Le désert du Rum, entre Aqaba, Petra et Amman, est entièrement sauvage, il occupe un quart de la Jordanie, ce petit Royaume méconnu et surprenant, qui recèle une des Merveilles du Monde, Petra : le cavalier fourbu la visitera à pied avant de rentrer, à tout jamais changé.
Infos pratiques
les séjours d’Emmanuelle sont commercialisés en France
par Randocheval, 04 37 02 2000
et par l’Agence du Voyage à Cheval, 03 81 62 02 96
Réveillon dans le désert …
Les cavaliers sont légèrement fatigués, après 6 jours de chevauchées dans le désert du Rum, des Sept Piliers de la Sagesse au canyon de Barrah (entouré de sommets qui atteignent 1 600 mètres), du village bédouin de Manasheer (où pousse de la luzerne), au campement de Mzelgah, des montagnes de Burdah au Jebel Al Mangour, du Wadi Saabit au Jebel Um Adami, de l’étroit canyon de Nogra au djebel Ghazaly, en passant par les ruines d’un vieux temple Nabatéen, appelé « Maison de Lawrence » depuis que Lawrence d’Arabie y a établi ses quartiers. Heureusement, le camp est fixe, on peut s’offrir une petite journée de repos, ou de randonnée à pied dans les alentours (attention, à 16 heures 30, la nuit tombe), avant le fameux Réveillon, une soirée dans la plus pure tradition Bédouine, au son de la Aoud d’ Aouad Awadin, musicien et poète. Une année qui commence sous de tels auspices ne peut se terminer qu’en feu d’artifice.
à lire : Les Sept piliers de la sagesse, de T.E. Lawrence (Lawrence d’Arabie), Folio Gallimard, vous pouvez aussi regarder le film …
à voir : Petra, la Cité nabatéenne aux tombeaux taillés à même la roche rose, une découverte, elle aussi, inoubliable, le Kazneh, son monument emblématique, mais aussi le Monastère de Deir, qui se mérite, le village de Wadi Moussa qui l’entoure …
voici l’article au format pdf, sur le site de Randocheval, mon agence de voyage équestre préférée
j’avais trouvé d’autres titres, à cet article, qui n’ont pas été retenu,
(le dernier, je ne suis pas étonné …)
Cocktail de couleurs à base de Rum,
Un Jordan Rum vaut mieux que deux tu l’auras …
Rum on the rocks,
Mon Royaume Nabatéen pour un Rum et un cheval !
Cocktail Rum-Cheval
Ta Rum à cheval dans le désert …
tiens, au fait : Cisjordanie ou Palestine ?
La Palestine désigne l’ensemble des territoires palestiniens, c’est-à-dire la Cisjordanie et la bande de Gaza, la Cisjordanie, c’est l’ensemble de territoires situés entre Israël et la Jordanie.
Avant la création d’Israël, en 1948, la Cisjordanie ne se distinguait pas du reste de la Palestine.
Nommée Cisjordanie par référence à la Transjordanie (actuelle Jordanie, chacune étant d’un côté du Jourdain), la Cisjordanie passe en 1948 sous contrôle hachémite, c’est-à-dire Jordanien. Occupée par Israël en 1967, elle est nommée en 1970 Judée-Samarie par l’État hébreu.
Royales de luxe !
in Gazoline
Sur les hauteurs d’Amman, le Royal Automobile Museum est installé dans le nouveau Parc du Roi Hussein. Il présente la collection de voitures de la famille Hachémite, la famille qui règne sur la Jordanie depuis sa création, en 1918, et qui descend directement d’Hachem, le grand-père de Mahomet, d’où son nom. Le Roi actuel, Abdallah II, grand amateur de rallyes et de voitures sportives, en est la 42ème génération. Elles sont près d’une centaine, avec peu ou pas de Françaises, beaucoup d’Américaines, quelques motos, garées le long d’un parcours, sonore et illustré, qui traverse et raconte l’histoire du pays, et du Moyen-Orient : entretenues et lustrées par une armée de mécanos, elles démarrent toutes au quart de tour.
À l’entrée du Musée, quatre photos d’Amman, prises au début du règne de chacun des quatre souverains, aident à se rendre compte de l’évolution du pays : bourgade agricole et chamelière en 1918, même pas encore capitale (c’était Ma’an, à l’époque), à l’arrivée d’Abdullah I, Émir de Transjordanie, assassiné à Jérusalem par un Palestinien en 1951, elle n’est qu’une petite ville sous King Talal. Elle se développe considérablement sous Hussein, pour devenir, avec Abdallah II, une mégapole moderne et contrastée, autant bédouine qu’européenne. Amman est une ville déconcertante, tentaculaire, circuler y est un cauchemar, ou un grand plaisir, proche du stock-car, avec de nombreux périphériques, boulevards à quatre voies, tunnels et autoroutes. Le taxi y est roi, le code de la route, beaucoup moins, le policier placide et incorruptible, le stationnement anarchique, la traversée d’un rond-point épique, les passages pour piétons inutiles, la signalisation surprenante, mais la famille Hachémite ne roule pas pour autant en autobus : Abdullah I circulait en Cadillac 53, déjà V8 (1916), King Talal en Roadmaster Buick 1949, et Hussein a été couronné, à 17 ans, dans une Lincoln bleu ciel de 1952, entouré par les cavaliers de la Légion Arabe.
Le Roi Hussein, comme Lady Di, aimait beaucoup les Mercedes : il avait deux 300 SC Roadster (1952), aux intérieurs de cuir rouge, une 300 D Cabriolet Adenauer (1961), la même que Kennedy lors de son célèbre voyage à Berlin, et une 600 LWB Pullman. C’est même un 4×4 Mercedes 280 E (1986), qui a transporté sa dépouille le 8 février 1999, il l’utilisait souvent pour passer ses troupes en revue. Le Roi Hussein aimait faire des cadeaux : généreux, il a offert à la Princesse Muna, sa seconde épouse, mère du Roi Abdallah II, une Bentley S2 Continental Flying Spur (1961), comme cadeau de mariage, et, pour son anniversaire, une Aston Martin Lagonda vert émeraude (1984), au Prince Zaïd Bin Shaker, un lointain cousin.
Abdallah II n’est pas en reste, puisqu’il s’est marié avec Rania dans une Lincoln Continental Convertible (1961), mais, plus économe, il l’a ensuite prêtée, pour la même heureuse et Royale occasion, au Prince Mohamad, à la Princesse Alia et au Prince Talal, elle sert aussi lors de visites officielles.
C’est ce qui est bien avec les familles royales : elles peuvent faire rêver, avec leurs jouets, c’est déjà gentil de nous permettre de les admirer. Quant à la désormais Reine Rania, elle traverse Amman au volant de son 4×4, à peine … les temps ont bien changé !
The Royal Automobile Museum, dans le Parc du Roi Hussein (King Hussein Park), à Amman, capitale du Royaume Hachémite de Jordanie.
Docteur Ali et docteur Mourad : docteurs Justice
in Cheval Magazine
Mrs Dorothy Brooke est l’épouse d’un officier de l’armée de sa Gracieuse Majesté, muté en Égypte en 1930, alors que le Moyen-Orient est encore, en grande partie, sous mandat britannique.
Mrs Dorothy Brooke, native du Hampshire, débarque au Caire avec son Général de mari : le choc est rude.
Elle découvre la vie misérable et difficile des habitants, la chaleur torride, le manque d’eau, d’ombre, et de nourriture. Elle doit se sentir très loin de ses vertes prairies.
Les paysans et les artisans sont condamnés à travailler sans relâche, dans des conditions difficiles : ils n’ont, pour cultiver une terre aride, caillouteuse et ensablée, que peu d’outils, peu de moyens. Les chevaux, ânes et mules, sont utilisés sans ménagement pour les travaux les plus durs : assoiffés, efflanqués, épuisés, ils croulent sous les lourdes charges, tour à tour camion et taxi, tantôt montés, tantôt attelés, ils travaillent sans boire, du matin au soir, parce que l’eau, même boueuse, est rare.
Les vétérinaires, peu nombreux, sont trop chers pour les paysans, qui arrivent déjà à peine à survivre, à nourrir et à soigner leur famille. Les plaies s’infectent, les pieds, pas ou mal ferrés, sont à vif, les dos cassés font souffrir les bêtes. Mrs Dorothy Brooke est surtout choquée par le sort des chevaux militaires, anglais, australiens et américains, que les armées ont bradé, pour ne pas les rapatrier, à la fin de la première guerre mondiale : abandonnés depuis 1918, ces chevaux de cavalerie, qui ont valeureusement combattu, sont dans un triste état.
En 1931, une lettre désespérée de Mrs Dorothy Brooke est publiée par un grand quotidien londonien, et les dons arrivent en masse, qui lui permettent de racheter 5.000 chevaux.
Certains, mis à la retraite, finissent leurs jours aussi paisiblement que possible, tandis que d’autres, trop mal en point, sont euthanasiés.
En 1934, Mrs Dorothy Brooke créée le Brooke Hospital du Caire, pour apporter gratuitement des soins vétérinaires aux ânes et aux chevaux qui travaillent en ville : le docteur Mourad Ragueb s’installe, pour commencer, à même le trottoir, avec sa trousse, et une planche en guise de table.
Brooke emploie aujourd’hui 500 personnes à travers le monde, vétérinaires, infirmiers et gestionnaires, tous recrutés localement. Elle soigne chaque année 500.000 chevaux, ânes et mules, grâce aux 45 équipes mobiles qu’elle envoie chaque jour sur le terrain, et aux 15 cliniques qu’elle gère et finance en Égypte, en Inde, en Jordanie, au Pakistan et en Afghanistan.
L’Afghanistan, justement : le docteur Ali en revient, des larmes plein les yeux.
Ce grand bédouin baraqué et souriant est, depuis cinq ans, le directeur du Brooke Hospital de Pétra, en Jordanie. Les chevaux en mauvais état, il connaît, les bédouins ne sont pas toujours tendres, avec leurs animaux, mais ce qu’il a vu là-bas, en Afghanistan, où des familles entières vivent du travail d’un seul petit âne, il n’arrive que difficilement à en parler.
La situation, en Jordanie, n’a rien à voir avec cette horreur, même s’il reste encore des progrès à faire : partout dans le pays, il y a des vétérinaires, des cliniques, et des dispensaires, gérés par des programmes gouvernementaux. Il y a aussi des lois qui permettent de lutter contre les mauvais traitements.
Les bédouins de Wadi Moussa attendent les touristes à l’entrée du site de Pétra, pour emmener ceux qui le souhaitent, à cheval, un kilomètre plus loin, jusqu’à l’embouchure du Siq, l’étroit défilé qui protège la Cité nabatéenne, puis, en calèche, jusqu’aux pieds du Kazneh, le monument emblématique, immortalisé par Tintin et Indiana Jones.
Selon la nationalité du visiteur, ils assurent que leur cheval s’appelle Jacques Chirac ou Georges Bush, alors qu’il n’a bien souvent pas de nom.
Dans Pétra, des monuments haut perchés sont difficilement accessibles : c’est alors le travail des ânes, que d’emmener les visiteurs au bout des sentiers escarpés creusés dans la roche 500 ans avant Jésus-Christ. Il fait très chaud, la visite est éprouvante, c’est surtout le retour qui paraît interminable à certains voyageurs : le confort tout relatif d’une calèche cahotante est alors fort appréciable …
Le docteur Ali a travaillé, gamin, sur le site, avec son âne, avant d’aller faire ses études dans le Nord du pays, à l’Université Yarmouk d’Irbid, la plus réputée du Moyen-Orient.
Les bédouins, il les connaît tous, il les comprend, même si la quasi-totalité des blessures qu’il soigne pourrait être évité : il lui faut sans cesse expliquer, convaincre, aider les jeunes à passer le pas, à utiliser une sellerie plus légère, mieux adaptée, des filets et des licols, pour remplacer la traditionnelle chaîne d’acier, des fers modernes, qui laissent le pied respirer, pour éviter les abcès.
Il faut persuader, montrer comment mieux nourrir, mieux soigner, sans heurter les susceptibilités.
Le docteur Ali privilégie les relations basées sur la confiance, pour que les propriétaires amènent volontairement leur animal, sans craindre de sanction, mais les chevaux peuvent être immobilisés de force si leur santé le justifie, et les propriétaires maltraitant dénoncés à la police, qui intervient rapidement : la clinique vétérinaire est patronnée par une Fondation Royale, présidée par la Princesse Alia, sœur du Roi Abdullah II, ce qui lui donne une certaine légitimité.
Le docteur Ali parle aussi de productivité, avec les bédouins : un animal en bonne santé travaille mieux, il travaille plus, il vit plus longtemps. Il compte beaucoup, aussi, sur l’intelligence des touristes, qui doivent vérifier, avant de monter, que l’animal qui va les emmener n’est pas blessé.
Le Brooke Hospital de Pétra soigne gratuitement les 350 équidés qui travaillent sur le site, le docteur Ali est assisté du docteur Mourad, excellent cavalier, surnommé le Faucon de Pétra, de deux infirmiers et d’un maréchal-ferrant, formés par la Fondation. Les deux vets sont joignables de jour comme de nuit, ils soignent toute la journée, sous un soleil de plomb, les animaux qu’on leur amène ou qui viennent tout seuls, sitôt blessés : les piétons ont alors intérêt à se garer en vitesse, l’animal n’a qu’une seule idée en tête, filer à la clinique ! Ils désinfectent les égratignures, les brûlures des frottements de selle, les maux d’estomacs, ils distribuent des vitamines et des médicaments, recousent les morsures que les animaux, énervés, s’infligent parfois entre eux, nettoient un œil infecté, une oreille en lambeaux, une jambe foulée.
Une jument heurtée par un camion arrive en urgence, ils laissent tout tomber pour s’enfermer une heure dans la salle de soins : ils la connaissent bien, le poulain de trois mois qui la suit partout est né ici.
Le sourire radieux du docteur Ali, en nage, fait plaisir à voir : elle est sauvée.
Le docteur Mourad part aussitôt en consultation dans les villages isolés des alentours, avec le camion équipé en clinique mobile : il est en retard, et, là-bas, toujours très attendu.
Il finira sa tournée à la tombée de la nuit, sur le site même de Pétra, déserté, au pied des tombes et des temples nabatéens, à côté de la réserve d’eau installée par la Fondation, là où, la journée terminée, les chevaux, ânes, mules et dromadaires vont se désaltérer.
La Fondation Brooke est financée essentiellement par les dons de ses milliers d’adhérents.
Elle envoie à ses cliniques du matériel et des médicaments.
Toutes les sommes sont les bienvenues : il est toujours possible de faire comme cette jeune Anglaise, qui, le temps d’un week-end, a mobilisé tous ses copains et copines : leur marathon de lavage de voitures a rapporté 180 euros, aussitôt versés à la Fondation.
Avec 70 euros, on achète 45 vaccins, il suffit de 20 euros pour fournir de l’eau pendant 2 jours aux ânes et aux chevaux qui bossent dur sur le site de Pétra, 30 euros, ce sont 10 kits chirurgicaux pour les équipes mobiles, 500 euros, c’est une équipe mobile complète sur la route pendant une semaine (environ 70 euros par jour).
Brooke mène des projets simples qui changent la vie des animaux : au Pakistan, elle offre des bâts modernes aux chevaux et aux ânes, pour qu’ils puissent porter leur charge en toute sécurité, sans se rompre le dos et s’écorcher les flancs (ça ne coûte que 13 euros pour un cheval, 8 pour un âne), à Pétra, ce sont des harnachements complets qui sont distribués aux ânes et aux mules qui baladent les touristes dans la rocaille.
Il est évidemment facile de s’offusquer, de se révolter, d’en vouloir à ceux qui ne prennent aucun soin de leur animal, le confondant parfois avec une machine, mais il ne faut pas oublier que le sort de ces populations n’est guère enviable, que leurs conditions de vie sont particulièrement rudes : le soleil tape pour tout le monde, et l’eau est rare, vraiment rare. Les bédouins de Jordanie renoncent progressivement aux habitudes ancestrales d’attelage et de ferrage, pour adopter des techniques et des matériaux plus respectueux du bien-être et de la santé de l’animal, mais il reste, ailleurs, à Brooke, beaucoup de travail. Éduquer, pas condamner, telle est la philosophie de la Fondation : c’est un programme magnifique. Sur les 90 millions d’équidés qui travaillent à travers le monde, 5 millions sont en situation de maltraitance : il reste vraiment beaucoup de travail …
La clinique vétérinaire Princesse Alia de Wadi Moussa se visite, sans rendez-vous, à l’entrée du fabuleux site nabatéen de Pétra (Jordanie), toutes les infos sur www.thebrooke.org, et sur www.junior.brooke-hospital.org.uk (6 euros l’adhésion)
titre de l’article
in Gazoline
J’ai envie, aujourd’hui, pour vous raconter la Jordanie, de vous parler surtout des Jordaniens, de mon ami Mohammed, marchand et artiste à Jerash, du docteur Wijden El Hamad, vétérinaire des chevaux bédouins de Pétra, de la famille Twal de Madaba, qui fait son vin chaque année, selon une technique déjà connue des Romains, avec le raisin que récoltent ses voisins, des internautes d’Irbid, au nord du pays (Irbid détient le record du monde du nombre de cybercafés dans sa rue principale, on les appelle là-bas des Internet Cafés), et des autres, de tous les autres, du chauffeur de taxi d’Aqaba qui m’a offert une bouteille d’eau (en Jordanie, surtout en été, c’est un trésor), de la vendeuse de la boutique de souvenirs qui m’a expliqué des tas de trucs pendant une heure et qui a refusé le pourboire que lui tendait discrètement mon guide (vexée, elle lui a dit « moi aussi, je suis Jordanienne »), du ramasseur de plateaux de la Cafétéria Jabri à Amman (un repas excellent pour quelques euros), qui, me voyant perdu, m’a, en souriant, apporté serviettes et carafe (vous en connaissez beaucoup, en France, des ramasseurs de plateaux de cafétéria qui sourient et se soucient des touristes ?), des ados d’Umm al Jimal, de mon guide Wajdi, qui conduit comme un malade, des autres, de tous les autres, qui m’ont offert thé, café, gâteaux, pour rien, gratuitement, pour le plaisir, sans rien attendre en retour, ni aumône qu’ils refusent sans même comprendre qu’on ose, ni achat, juste par amitié, par gentillesse.
J’ai envie de vous parler de tous ceux, et ils sont nombreux, qui m’ont souri, accueilli, je voudrais trouver les mots justes pour vous raconter la Jordanie, petit pays méconnu, confondu avec la Cisjordanie, assimilé aux dictatures moyenâgeuses qui l’entourent : oui, la Jordanie est une démocratie, un pays bien plus démocratique que le Maroc ou la Tunisie, moderne, fier, vivant, tolérant, intelligent et somptueux. Essayez de filer 10 JOD (dix dinars jordaniens, environ 10 € en 2008), au policier qui vous contrôle, vous visiterez aussitôt commissariat, prison et tribunal : en Jordanie, on ne plaisante pas avec l’honneur.
La Jordanie, minuscule pays de 4 millions d’habitants dont 2,2 à Amman, la capitale, composé essentiellement de déserts, est le septième pays du monde en terme de diplômés, et les exporte dans tous les pays arabes.
La scolarité est obligatoire, effective et gratuite jusqu’à 16 ans, pour les filles et pour les garçons, il y a des écoles, des instits, des profs et des facs, le taux d’alphabétisation chez les adultes est de 85,5 % et il progresse sans cesse, 95 % des enfants sont scolarisés en primaire.
Le taux d’alphabétisation est par exemple de 42,1 % au Maroc dont 27 % de femmes, ce qui veut dire que 73 % des femmes marocaines sont analphabètes.
En Jordanie, le chiffre est le même pour les hommes et pour les femmes.
Le système de soins est particulièrement réputé : la Jordanie est la clinique du Monde Arabe.
L’accès à Internet est libre et très peu cher, moins d’un euro l’heure, on capte une bonne centaines de chaînes de télé du monde entier, et votre portable trouvera un réseau en plein désert …
La Jordanie est l’un des plus beaux et des plus accueillants pays du monde, pas encore, comme l’Égypte, pollué par le tourisme (et je compte beaucoup sur les bédouins pour qu’il ne le soit jamais), pas encore, comme le Maroc, pourri par les touristes : un Jordanien ne tend la main que pour offrir un verre de thé.
En Jordanie, vous ne courrez aucun danger, vous n’êtes dérangé par aucun barrage, aucune réserve, il y a extrêmement peu de vols, pas d’agressions, pas de militaires en armes, la circulation est libre, entièrement et totalement libre, vous allez seul, homme ou femme, où vous voulez, quand vous voulez, comme vous voulez, on vous demande juste de respecter le peuple qui vous accueille, vous parlez à qui vous voulez, nombreux sont les Jordaniens, homme ou femme, qui parlent anglais (oui, vous rencontrerez des femmes, voilées ou en jeans, elles travaillent, elles parlent, elles sourient, elles sont allées à l’école, elles sont prof, toubib, vétérinaire …).
Vous n’êtes pas obligé d’avoir un guide, même si c’est une bonne solution pour découvrir le pays et que je vous en conseille un excellent, vous n’êtes pas obligé de préférer les hôtels ou les restos pour touristes, de voyager en car : louer une voiture n’est pas cher (environ 40 euros / jour, kilométrage illimité), l’essence ne coûte rien, les routes sont bonnes, même si la signalisation est parfois un peu surréaliste, la nourriture est ridiculement bon marché si vous mangez jordanien, et c’est vachement bon, proche de la gastronomie libanaise ou syrienne. Vous ne risquez en fait que deux choses, effectivement embêtantes, qui peuvent expliquer que vous n’y soyez pas encore allés ou que vous hésitiez à décoller : choper le virus qui vous y fera revenir chaque année et vous faire des amis en pagaille. Louez une voiture, c’est la meilleure solution, et logez à Amman, à l’Hôtel Hisham …
Vous pourrez aller à Ajloun et à Irbid (excellent hôtel dans ces deux villes), à Jerash, pour manger comme un prince dans les jardins de La Vallée Verte et faire vos courses chez mon ami Mohamed au Bazar Mohamed des souks touristiques.
Vous irez à Azraq, par la route des Châteaux du Désert, à Umm al Jimal, majestueuse citée byzantine de basalte noir en ruines, figée par un tremblement de terre depuis 1300 ans, à ne rater sous aucun prétexte), et à Madaba (excellent resto, capitale de la mosaïque, un magasin d’artisanat véritable chez mes amis du Madaba Arts Center).
Vous irez vous baigner dans la mer morte, vous descendrez ensuite à Petra, la dernière merveille du monde digne de ce nom, vous trouverez sur place tout type d’hôtel, du chaleureux pas cher (par exemple le Velantine Inn) au top luxe (dans cette catégorie, préférez le Mövenpick, au centre ville, face à l’entrée du site), et des tas d’excellents petits restos sympas.
Petra by night, illuminé de bougies (© Saleh Farjat)
Vous terminerez votre périple à Aqaba, sur les plages de la Mer Rouge, ou par un trekking avec bivouac dans le désert du Wadi Rum.
La Jordanie est le paradis des marcheurs.
Un billet d’avion pas cher ? Vous en trouvez facilement de 335 € à 600 €.
Le mieux est souvent de passer par VIENNE avec AUSTRIAN, parfois, c’est KLM qui propose les meilleurs tarifs, via AMSTERDAM, ou LUFTHANSA via FRANCFORT.
Allez-y sans tarder, dès le printemps, croyez-moi : vous regretterez toute votre vie de ne pas m’avoir écouté.
Bons thés et Salam Aleikoum à tous !
titre
Mon premier voyage en Jordanie
in Gazoline 75 de décembre 2001
Please, Madame, welcome ! Le Ksar Al-Kharrana est le premier château du désert que vous croiserez sur la route d’Azraq, à une centaine de kilomètres à l’est d’Amman. La Jordanie se visite facilement au départ de sa capitale, mais il est préférable, en voiture, d’avoir un excellent plan, cette ville tentaculaire peut vous faire tourner jusqu’à en perdre la raison ! Sur la route d’Azraq, vous suivrez le défilé permanent des camions vétustes et bringuebalants qui s’en vont ravitailler Bagdad. Ne vous étonnez pas que la route s’élargisse soudain : elle se transforme aérodrome !
le Ksar Al-Kharanna (© Alen Méaulle)
Le Ksar Al-Kharrana est une grosse bâtisse carrée construite en 712 après JC pour Al-Walid 1er, un calife omeyyade installé à Damas. Il y recevait les chefs des tribus nomades de bédouins pour s’assurer leur loyauté. L’entrée est gratuite, mais n’oubliez surtout pas en sortant le jovial guide bedonnant. Please, Madame, welcome ! Sur le parking, des bédouins ont monté la tente, ils vendent des cartes postales et quelques bibelots, mais se fichent éperdument que vous en achetiez. Buvez un thé en leur compagnie, il mijote continuellement sur les braises, goûtez au café bédouin, il vous évitera de dormir pendant toute la semaine, engagez la conversation dans la langue de votre choix, les bédouins sont des communicateurs nés. Vous pouvez même passer la nuit avec eux, l’ambiance est sûrement sympa, mais le confort nul. Évitez les pellicules, souvent périmées depuis des lustres, et soyez, pour ça, vigilants sur tous les sites !
Votre vigilance ne s’exercera d’ailleurs pas pour autre chose, la Jordanie est le pays le plus paisible qu’il m’ait été donné de visiter, et l’un des plus sûrs : pas de vols, pas de sollicitations permanentes, pas d’arnaques, aucune violence … La confiance est partout totale. Trop de touristes potentiels confondent Jordanie et Cisjordanie : ici, pas de mitraillettes, de tanks ou de soldats, les policiers sont débonnaires, les Jordaniens chaleureux, marrants … Le tourisme Jordanien peine à se développer, c’est dommage, mais profitez-en vite ! Bientôt, ce pays, largement aussi beau que l’Égypte (et nettement moins cher), sera pollué par les cars conditionnés !
la route des Châteaux du désert est aussi une artère économique vitale entre la Syrie, l’Irak, l’Arabie Saoudite et Amman (© Alen Méaulle)
La route des châteaux du désert vous occupera toute la journée, il y a un château à peu près tous les 15 km, les plus beaux sont à mon avis le premier, et celui d’Azraq, un oasis où vous déjeunerez, je vous conseille les tonnelles du Al-Shallal al-Mountazat, première à droite après le noir château, où aurait dormi Lawrence d’Arabie. Attention ! C’est le Napoléon de là-bas, il a dormi partout, il est passé partout, on vous ferait même admirer les pièces où il n’a jamais mis les pieds : ici, je vous l’assure, Lawrence d’Arabie n’est jamais venu ! Non ? Ohlala, clic-clac, merci Kodak, une chambre qui n’a jamais vu Lawrence d’Arabie ! Le retour se fait par la route du nord, mais il serait dommage de ne consacrer que quelques minutes à Umm-al-Jimal.
Mon conseil ? Tracer après Azraq pour déambuler tranquillement dans les ruines émouvantes d’Umm-al-Jimal jusqu’à la tombée de la nuit, pour ne pas rater les ombres qui s’allongent sur ses ruines désertes de basalte noir, habitées seulement par des moutons et des chèvres.
Umm-al-Jimal a été abandonnée subitement par tous ses habitants, en 747 après JC, et personne ne sait pourquoi : à cette époque, la région était calme. Trois siècles avant JC, la ville s’était barricadée avec autant d’empressement, allant jusqu’à desceller dans la précipitation les tombes de son cimetière, pour les transformer en rempart. Et là encore, aucun historien n’a d’explication … Moi, je suis tombé en amour d’Umm-al-Jimal, à la frontière syrienne, tout à côté d’Irbid. Imaginez le contraste : Irbid détient le record du monde des cybercafés dans une seule rue, ils sont cent deux à se partager la rue principale, qu’il faut absolument parcourir à la nuit tombée, quand les enseignes lumineuses donnent à cette ville universitaire réputée dans le monde entier un air de Las Vegas !
La Jordanie se déguste en toute tranquillité, peu de touristes s’y aventurent seuls, tant pis pour eux, mais tant mieux pour nous, on ne croise que des groupes encadrés qu’il est facile d’éviter, tant ils sont prévisibles. Les Jordaniens, qui apprécient que vous veniez les voir seul et sans guide, adorent vous aider : faites la visite dans le sens contraire, les touristes font demi-tour à la moitié. Si vous n’êtes pas en autocar, vous n’êtes pas un touriste, vous êtes un hôte !
Retour à Amman. La ville n’est pas belle, les souks ne sont pas attirants, en béton, fonctionnels, mais vous pouvez vous y promener sans aucune crainte. En plein centre ville, le théâtre romain très bien conservé, des guides sympas, officiellement polyglottes, qui n’y connaissent pas grand-chose, arborent fièrement leur badge de guide diplômé. Choisissez-en un, il vous montrera des tas de détails et vous proposera de vous emmener à la citadelle. Suivez-le, le point de vue en vaut la peine, ainsi que quelques ruines très bien restaurées par les espagnols.
Je vous recommande à Amman deux hôtels, avec une nette préférence pour l’accueil et la gentillesse du personnel de l’Hôtel Hisham, où vous pouvez louer une voiture deux à trois fois moins cher qu’avec un tour-opérateur ou une centrale de réservation type Avis ou Europcar ! Vous pouvez aussi y manger (le restaurant est correct, sans plus), et tous se couperont en six pour vous aider, vous conseiller, vous dépanner … Le taux de change est bon : ne partez pas en Jordanie avec des euros, emmenez des dollars américains, c’est la monnaie officieuse, qui déclenche le sourire. Vous retirerez des dinars jordaniens aux distributeurs automatique avec votre Visa : il y en a partout, même en province. L’Hôtel Hisham est l’adresse d’Amman, incontournable, mais souvent complet, forcément. La solution de secours s’appelle l’Hôtel Canary.
Mangez plutôt dans des petits bouis-bouis, comme le Al Maeda, une gargote située juste en face du théâtre romain, où je vous conseille d’éviter le plat typique bédouin qu’il vont vouloir vous faire goûter, dont j’ai même oublié le nom. J’aime bien découvrir de nouvelles saveurs, mais c’est objectivement infâme, ici et ailleurs, têtu, j’ai essayé plusieurs fois. Aucun resto n’a vraiment retenu mon attention, surtout les réputés, très décevants. Je n’ai pas vraiment eu le temps d’explorer le quartier moderne d’Amman, qui vit la nuit, je me le réserve pour la prochaine fois. La gastronomie jordanienne se rapproche de la gastronomie syrienne, libanaise et turque, d’abord des entrées (mezzehs), houmous, crudités, salades, puis surtout des grillades, shish kebab, brochettes … avec un pain excellent.
Autres balades à ne pas rater au départ d’Amman, c’est le nord, avec, en plus de l’incontournable Umm-al-Jimal, Ajloun, Umm-Qais et surtout Jerash, dont je pourrais aussi vous parler pendant des heures (saluez pour moi mon ami Mohamed, vendeur des souks). Sortez toujours des sites pour manger, faites quelques pas, entrez sans doutes ni craintes dans les petits restaurants, comme, à Jerash, le Janat Jerash et le Al-Khayyam. Le mieux est de dormir à Ajloun, pas tellement parce que c’est loin, mais parce que l’hôtel et le resto valent le détour : c’est le Al Rabad Castle Hôtel, avec un personnel adorable, une table de grande qualité et une vue inoubliable !
Le matin, la route de la montagne qui vous emmène dans la vallée du Jourdain est inoubliable. La Jordanie est une terre de contraste, une mosaïque de paysages, un jeu de l’oie où vous changez régulièrement de case, montagne désertique et escarpée, désert de cailloux, vallée fertile du Jourdain, puis, plus loin, la mer morte et de nouvelles montagnes pour regagner Madaba, au sud ouest d’Amman, des rochers bleus, rouges, jaunes … La Jordanie est le plus beau pays que j’ai vu de toute ma vie, et aussi l’un des plus attachants.
Un autre site qui me fait dire que la Jordanie est aussi magnifique que sa voisine l’Égypte, c’est Pétra, cité nabatéenne belle à pleurer, tellement émouvante et grandiose qu’elle seule, s’il le fallait, justifierait le voyage !
le sikh de Petra by night, illuminé de bougies (© Saleh Farjat)
Le soir, ici aussi, préférez les restos locaux dans le centre-ville où pas un seul européen ne se promène, tous restent cantonnés dans leurs hôtels de luxe. Je vous conseille le Rose City Restaurant, à quelques mètres de l’entrée du site de Pétra, où l’on mange extrêmement bien, pour une cinquantaine de francs français, sans alcool, même si les vins Jordaniens sont très bons et surtout très prometteurs, comme le Latroun, le Mount Nebo …
Pétra est une ville nabatéenne dont les palais, les maisons et les boutiques sont creusées à même la roche, on y accède par un long sillon creusé par les eaux dans la roche de deux kilomètres. Le premier monument que l’on découvre, c’est le Trésor, Indiana Jones y a trouvé le Saint-Graal, Tintin y a retrouvé l’Émir Ben Kalish Ezab dans » coke en stock « , le père du prince Abdallah, chenapan qui casse tout à Moulinsart, à qui le capitaine Haddock et Tintin flanquent une fessée dans » au pays de l’or noir « .
L’allusion est limpide : le nouveau Roi de Jordanie est l’ancien prince Abdallah : retrouvez-le sur son site perso. Je vous parlerais bientôt en détails de Pétra, mais aussi du Wadi Rumm et d’Aqaba que j’ai moins aimé, de la Mer Rouge, de Jerash où j’irais bien habiter, mais aussi de tout le reste …
Je vais paraphraser Kennedy à Berlin : I’m a Jordanian !
des infos en vrac & mes meilleures adresses
mon carnet d’adresses à Petra : voir plus bas …
retrouvez les coordonnées de tous les hôtels (pour réserver directement) sur le site en anglais de la Jordan Hotel Association
qui fonctionne, il faut bien l’avouer, un peu quand il en a envie
moi je vous conseille, à Amman, l’Hôtel Hisham (à partir de 60 euros, transfert de l’aéroport possible)
je ne connais pas d’hôtels à Jerash
(logez à Amman à Ajloun ou à Irbid),
mais deux petits restos sympas et une étape exceptionnelle,
à un kilomètre du site galo-romain de Jersah en direction d’Amman,
tenue par une famille d’anciens pépiniéristes : la vallée verte !
un cadre terrible, un service attentionné, toute la nourriture est maison, les légumes du jardin, le pain bédouin tannour est cuit sur la pierre devant vous, prenez le mannaïche, cuit au thym (vous pleurerez pour qu’ils vous en ramènenent : non, je rigole, vous n’aurez pas à pleurer !)
et ne ratez pas le labané un fromage de chèvre aromatisé, le tout vous coûtera dans les 5 JOD (environ 7 €) avec le thé à la menthe …
Les deux petits restos sympas, le Janat Jerash et le Al-Khayyam, sont en face de la Rest House des touristes, le long de la route qui longe à droite le fameux site
je vous conseille à Ajloun le Al Rabad Castle Hôtel,
au pied de la forteresse à la Buzzati
cousin du fort de Bellonzio
où vit Zangra
qui domine la plaine d’où l’ennemi viendra qui le fera héros …
je vous conseille aussi un hôtel très sympa à Irbid,
ville universitaire illuminée la nuit comme Las Vegas
qui détient le record mondial du nombre de cybercafés dans une seule rue
(on les appelle ici des Internet Café), l’Al Joude
je vous conseille encore, à Madaba, un restaurant exceptionnel
Haret Jdoudna
en plein centre ville (King Talal street) qui appartient à la chaîne des restos Romero
vous pouvez très très bien manger au restaurant du site d’Amm Qais (en regradant la vallée du Jourdain, le Liban, la Syrie et le plateau du Golan)
Mon carnet d’adresses à Petra
Comptez au moins trois heures de route entre Amman et Petra (220 km),
par l’autoroute du désert (Désert Highway)
qui relie la capitale du Royaume hachémite aux rives de la Mer Rouge.
Il est aussi possible de faire la route en bus, pour quelques dinars, les fameux Jett (moins luxueux que leur nouveau site Internet ne le laisse imaginer).
La route est un peu plus longue (comptez cinq heures) par la Mer Morte : il faut ensuite traverser, via Tafila, les montagnes de l’Arabah sur des routes sinueuses (prévoir une bonne carte routière).
La plus belle, c’est la King’s Highway, la route du Roi, qui traverse Madaba, Kerak, Dana et Shaubak, en frôlant le Jebel Atatia (1641 m), un des points culminants du Royaume Hachémite (prévoyez la journée, et arrêtez-vous souvent).
Le village de Wadi Moussa, dont dépend Petra, compte plusieurs dizaines d’hôtels, du local pour routard averti au ***** Luxe : tous (ou presque) sont répertoriés sur le site de la Jordan Hôtels Association, qui fonctionne par intermittence, ce qui est étonnant dans ce pays où le moindre bédouin a une adresse email. Il y a, dans le village, tout un tas de petits restaurants où l’on mange bien (surtout des grillades) pour pas cher : éloignez-vous de l’entrée du site et évitez les restaurants des hôtels de chaîne, où la nourriture est très européanisée.
Il y a deux restaurants, côte à côte, dans le site même de Petra, aux pieds des escaliers du Deir.
Hôtel* Valentine Inn, Centre ville, Wadi Moussa, 962 (0)3 2156423 (pas de site Internet, réservation en anglais par email : valentineinn@hotmail.com), une adresse très peu chère (aux alentours de 5 euros la nuit), bien située, réputée pour sa terrasse qui surplombe la ville et pour ses buffets (au dîner), mais d’un confort très relatif …
Golden Tulip Kingsway Hôtel**** Petra, Centre ville, Wadi Moussa, 962 (0)3 215 67 99, situé à 20 minutes à pied de l’entrée du site (à partir de 70 euros)
Hôtel***** Mövenpick Resort Petra, Centre ville, Wadi Moussa, 962 (0)3 215 71 11, situé directement à l’entrée du site de Petra (à partir de 130 euros)
Guest House*** by Crown Plaza, 962 (0)3 215 62 66 (réservations 0800 911 617), située directement à l’entrée du site de Petra (à partir de 130 euros)
Hôtel**** Marriott Petra, Taybeh Road, Wadi Moussa, 962 (0)3 215 64 07, situé à 5 minutes en voiture de l’entrée du site de Petra (à partir de 110 euros)
Hôtel**** Mövenpick Nabatean Castle Hôtel, 962 (0)3 215 72 01, situé à 10 minutes en voiture de l’entrée du site, à une altitude de 1400 m, avec une vue spectaculaire sur la vallée (à partir de 110 euros